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— Après ?

— Des champignons farcis.

— Après ?

— Des écrevisses au vin de Madère.

— Menu pied que tout cela, menu pied ; quelque chose qui fasse un fond, voyons, dites vite.

— J’aurai en outre un jambon aux pistaches.

— Peuh ! fit Chicot.

— Pardon, interrompit timidement Eusèbe ; il est cuit dans du vin de Xérès sec. Je l’ai piqué d’un bœuf attendri dans une marinade d’huile d’Aix, ce qui fait qu’avec le gras du bœuf on mange le maigre du jambon, et avec le gras du jambon le maigre du bœuf.

Gorenflot hasarda vers Chicot un regard accompagné d’un geste d’approbation.

— Bien cela, n’est-ce pas, dit-il, monsieur Robert ?

Chicot fit un geste de demi-satisfaction.

— Et après, demanda Gorenflot, qu’avez-vous encore ?

— On peut vous accommoder une anguille à la minute.

— Foin de l’anguille, dit Chicot.

— Je crois, monsieur Briquet, reprit frère Eusèbe en s’enhardissant peu à peu, je crois que vous pouvez goûter de mes anguilles sans trop vous en repentir.

— Qu’ont-elles donc de rare, vos anguilles ?

— Je les nourris d’une façon particulière.

— Oh ! oh !

— Oui, ajouta Gorenflot, il paraît que les Romains ou les Grecs, je ne sais plus trop, un peuple d’Italie enfin, nourrissaient des lamproies comme fait Eusèbe. Il a lu cela dans un auteur ancien nommé Suétone, lequel a écrit sur la cuisine.

— Comment ! frère Eusèbe, s’écria Chicot, vous donnez des hommes à manger à vos anguilles ?

— Non, Monsieur, je hache menu les intestins et les foies des volailles et du gibier, j’y ajoute un peu de viande de