Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/226

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— Tout juste.

— C’est ingénieux.

— Aussi la punition a-t-elle fait un rude effet : j’ai cru qu’on allait se révolter ; les yeux brillaient, les dents claquaient.

— Ils avaient faim, dit Chicot ; ventre de biche ! c’est bien naturel.

— Ils avaient faim, n’est-ce pas ?

— Sans doute.

— Vous le dites ? vous le croyez ?

— J’en suis sûr.

— Eh bien ! j’ai remarqué, ce soir-là, un fait bizarre et que je recommanderai à l’analyse de la science ; j’ai donc appelé frère Borromée, en le chargeant de mes instructions touchant cette privation d’un plat, à laquelle j’ai ajouté, voyant la rébellion, privation de vin.

— Enfin ? demanda Chicot.

— Enfin, pour couronner l’œuvre, j’ai commandé un nouvel exercice, voulant terrasser l’hydre de la révolte : les psaumes disent cela, vous savez ; attendez donc : Cabis poriabis diagonem. Eh ! vous ne connaissez que cela, mordieu !

Proculcabis draconem, fit Chicot en versant à boire au prieur.

Draconem, c’est cela, bravo ! À propos de dragon, mangez donc de cette anguille, elle emporte la bouche, c’est merveilleux !

— Merci, je ne puis plus respirer ; mais racontez, racontez.

— Quoi ?

— Votre fait bizarre.

— Lequel ? je ne m’en souviens plus.

— Celui que vous vouliez recommander aux savants.

— Ah ! oui, j’y suis, très-bien.

— J’écoute.