Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/281

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que la vie d’un homme. Sur votre tête, ne la perdez pas, remettez-la secrètement à l’Ombre, qui vous en donnera un reçu que vous me rapporterez, et surtout voyagez en gens qui voyagent pour leurs propres affaires. Allez.

Les deux jeunes gens sortirent du cabinet royal, Ernauton comblé de joie, Sainte-Maline gonflé de jalousie ; l’un avec la flamme dans les yeux, l’autre avec un avide regard qui brûlait le pourpoint de son compagnon.

M. d’Épernon les attendait ; il voulut questionner.

— Monsieur le duc, répondit Ernauton, le roi ne nous a point autorisés à parler.

Ils allèrent à l’instant même aux écuries, où le piqueur du roi leur délivra deux chevaux de route, vigoureux et bien équipés.

M. d’Épernon les eût suivis certainement pour en savoir davantage, s’il n’eût été prévenu, au moment où Carmainges et Sainte-Maline le quittaient, qu’un homme voulait lui parler à l’instant même et à tout prix.

— Quel homme ? demanda le duc avec impatience.

— Le lieutenant de la prévôté de l’Île-de-France.

— Eh ! parfandious ! s’écria-t-il, suis-je échevin, prévôt ou chevalier du guet ?

— Non, Monseigneur ; mais vous êtes ami du roi, répondit une humble voix à sa gauche. Je vous en supplie, à ce titre écoutez-moi donc.

Le duc se retourna.

Près de lui, chapeau bas et oreilles basses, était un pauvre solliciteur qui passait à chaque seconde par une des nuances de l’arc-en-ciel.

— Qui êtes-vous ? demanda brutalement le duc.

— Nicolas Poulain, pour vous servir, Monseigneur.

— Et vous voulez me parler ?

— Je demande cette grâce.

— Je n’ai pas le temps.

— Même pour entendre un secret, Monseigneur ?