Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/300

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personne ne nous a donc vus tous parler ou vous donner la lettre.

— C’est juste, Monsieur, je le reconnais, et j’en ferai foi au besoin. Maintenant, à mon tour.

— Le reçu, dirent ensemble les jeunes gens.

— Auquel des deux dois-je le remettre ?

— Le roi ne l’a point dit ! s’écria Sainte-Maline en regardant son compagnon d’un air menaçant.

— Faites le reçu par duplicata, Monsieur, reprit Ernauton, et donnez-en un à chacun de nous ; il y a loin d’ici au Louvre, et sur la route il peut arriver malheur à moi ou à Monsieur.

Et en disant ces mots, les yeux d’Ernauton s’illuminaient à leur tour d’un éclair.

— Vous êtes un homme sage, Monsieur, dit Chicot à Ernauton.

Et il tira des tablettes de sa poche, en déchira deux pages, et sur chacune d’elles il écrivit :

« Reçu, des mains de M. René de Sainte-Maline, la lettre apportée par M. Ernauton de Carmainges.

« l’Ombre. »

— Adieu, Monsieur ! dit Sainte-Maline en s’emparant de son reçu.

— Adieu, Monsieur, et bon voyage ! ajouta Ernauton. Avez-vous autre chose à transmettre au Louvre ?

— Absolument rien, Messieurs ; grand merci, dit Chicot.

Ernauton et Sainte-Maline tournèrent la tête de leurs chevaux vers Paris, et Chicot s’éloigna d’un pas que le meilleur mulet eût envié.

Lorsque Chicot eut disparu, Ernauton qui avait fait cent pas à peine, arrêta court son cheval, et s’adressant à Sainte-Maline :