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cette femme qu’il avait introduite dans Paris sous un costume de page, et qu’il venait de retrouver dans une riche litière.

Il y avait là ample matière à réflexion pour un cœur plus disposé aux aventures amoureuses qu’aux calculs de l’ambition.

Aussi Ernauton s’ensevelit-il peu à peu dans ses réflexions, et cela si profondément, que ce ne fut qu’en levant la tête qu’il s’aperçut que Sainte-Maline n’était plus là.

Un éclair lui traversa l’esprit.

Moins préoccupé que lui, Sainte-Maline avait guetté le retour du roi : le roi était rentré, et Sainte-Maline était chez le roi.

Il se leva vivement, traversa la galerie et arriva chez le roi, juste au moment où Sainte-Maline en sortait.

— Tenez, dit-il, radieux, à Ernauton, voici ce que le roi m’a donné.

Et il lui montra une chaîne d’or.

— Je vous fais mon compliment, Monsieur, dit Ernauton, sans que sa voix trahît la moindre émotion.

Et il entra à son tour chez le roi.

Sainte-Maline s’attendait à quelque manifestation de jalousie de la part de M. de Carmainges. Il demeura, en conséquence, tout stupéfait de ce calme, attendant qu’Ernauton sortît à son tour.

Ernauton demeura dix minutes à peu près chez Henri ; ces dix minutes furent des siècles pour Sainte-Maline.

Il sortit enfin ; Sainte-Maline était à la même place ; d’un regard rapide il enveloppa son compagnon, puis son cœur se dilata. Ernauton ne rapportait rien, rien de visible du moins.

— Et à vous, demanda Sainte-Maline, poursuivant sa pensée, quelle chose le roi vous a-t-il donnée, Monsieur ?

— Sa main à baiser, répondit Ernauton.

Sainte-Maline froissa sa chaîne entre ses mains, de manière qu’il en brisa un anneau.