Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/316

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Tous sortirent ; Ernauton de Carmainges resta seul.

— Vous désirez quelque chose, Monsieur ? demanda Loignac.

— Oui, Monsieur, dit Ernauton en s’inclinant ; il me semble que vous avez oublié de préciser ce que nous aurons à faire. Être au service du roi est un glorieux mot sans doute, mais j’eusse bien désiré savoir jusqu’où entraîne ce service.

— Cela, Monsieur, répliqua Loignac, constitue une question délicate et à laquelle je ne saurais catégoriquement répondre.

— Oserai-je vous demander pourquoi, Monsieur ?

Toutes ces paroles étaient adressées à M. de Loignac avec une si exquise politesse, que, contre son habitude, M. de Loignac cherchait en vain une réponse sévère.

— Parce que moi-même j’ignore souvent le matin ce que j’aurai à faire le soir.

— Monsieur, dit Carmainges, vous êtes si haut placé, relativement à nous, que vous devez savoir beaucoup de choses que nous ignorons.

— Faites comme j’ai fait, monsieur de Carmainges ; apprenez ces choses sans qu’on vous les dise, je ne vous en empêche point.

— J’en appelle à vos lumières, Monsieur, dit Ernauton, parce que, arrivé à la cour sans amitié ni haine, et n’étant guidé par aucune passion, je puis, sans valoir mieux, vous être cependant plus utile qu’un autre.

— Vous n’avez ni amitiés ni haines ?

— Non, Monsieur.

— Vous aimez le roi cependant, à ce que je suppose, du moins ?

— Je le dois et je le veux, monsieur de Loignac comme serviteur, comme sujet et comme gentilhomme.

— Eh bien ! c’est un des points cardinaux sur lesquels vous devez vous régler, si vous êtes un habile homme, il doit vous servir à trouver celui qui est à l’opposite.