Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/325

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timide qu’il soit, ne se laissera pas égorger comme le chevalier du guet ; il mettra l’épée à la main, et, pensez-y bien, il est le roi ; sa présence fera beaucoup d’effet sur les bourgeois, et vous vous ferez battre.

— Nous avons choisi quatre mille hommes pour cette expédition du Louvre, Monseigneur, et quatre mille hommes qui n’aiment pas assez le Valois pour que sa présence produise sur eux l’effet que vous dites.

— Vous croyez que cela suffira ?

— Sans doute, nous serons dix contre un, dit Bussy-Leclerc.

— Et les Suisses ? Il y en a quatre mille, Messieurs.

— Oui, mais ils sont à Lagny, et Lagny est à huit lieues de Paris ; donc, en admettant que le roi puisse les faire prévenir, deux heures aux messagers pour faire la course à cheval, huit heures aux Suisses pour faire la route à pied, cela fera dix heures ; et ils arriveront juste à temps pour être arrêtés aux barrières ; car en dix heures nous serons maîtres de toute la ville.

— Eh bien ! soit, j’admets tout cela ; le chevalier du guet est égorgé, les politiques sont détruits, les autorités de la ville ont disparu, tous les obstacles sont renversés, enfin : vous avez arrêté sans doute ce que vous feriez alors ?

— Nous faisons un gouvernement d’honnêtes gens que nous sommes, dit Brigard, et pourvu que nous réussissions dans notre petit commerce, que nous ayons le pain assuré pour nos enfants et nos femmes, nous ne désirons rien de plus. Un peu d’ambition peut-être fera désirer à quelques-uns d’entre nous d’être dizainiers, ou quarteniers, ou commandants d’une compagnie de milice ; eh bien, monsieur le duc, nous le serons, mais voilà tout : vous voyez que nous ne sommes point exigeants.

— Monsieur Brigard, vous parlez d’or, dit le duc ; oui, vous êtes honnêtes, je le sais bien, et vous ne souffrirez dans vos rangs aucun mélange.