Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sons-nous, avait pactisé avec l’Espagne et avec les Guise pour anéantir, dans les Flandres, la souveraineté naissante du duc d’Anjou, si fort haï des Français.

On citait ses relations avec Baza et Balouin, auteurs présumés du complot qui avait failli coûter la vie au duc François, frère de Henri III ; on citait l’adresse qu’avait déployée Salcède dans toute cette procédure pour échapper à la roue, au gibet et au bûcher, sur lesquels fumait encore le sang de ses complices ; seul il avait, par des révélations fausses et pleines d’artifice, disaient les Lorrains, alléché ses juges, à tel point que, pour en savoir plus, le duc d’Anjou, l’épargnant momentanément, l’avait fait conduire en France, au lieu de le faire décapiter à Anvers ou à Bruxelles. Il est vrai qu’il avait fini par en arriver au même résultat ; mais dans le voyage, qui était le but de ses révélations, Salcède espérait être enlevé par ses partisans ; malheureusement pour lui il avait compté sans M. de Bellièvre, lequel, chargé de ce dépôt précieux, avait fait si bonne garde que ni Espagnols, ni Lorrains, ni ligueurs n’en avaient approché d’une lieue.

À la prison, Salcède avait espéré ; Salcède avait espéré à la torture ; sur la charrette, il avait espéré encore ; sur l’échafaud, il espérait toujours. Ce n’est point qu’il manquât de courage ou de résignation ; mais il était de ces créatures vivaces qui se défendent jusqu’à leur dernier souffle avec cette ténacité et cette vigueur que la force humaine n’atteint pas toujours chez les esprits d’une valeur secondaire.

Le roi ne perdait pas plus que le peuple cette pensée incessante de Salcède.

Catherine, de son côté, étudiait avec anxiété jusqu’au moindre mouvement du malheureux jeune homme ; mais elle était trop éloignée pour suivre la direction de ses regards et remarquer leur jeu continuel.

À l’arrivée du patient, il s’était élevé comme par enchantement, dans la foule, des étages d’hommes, de femmes et d’enfants ; chaque fois qu’il apparaissait une tête nouvelle