Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/59

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— Ah çà ! mais, vous êtes insatiable, jeune homme, en vérité.

— Encore ce service. Monsieur.

— Vous abusez.

— Il faut que je voie le condamné, entendez-vous ? il faut que je le voie.

Puis, comme Ernauton ne répondait pas assez vivement ans doute à l’injonction :

— Par pitié, Monsieur, par grâce ! dit-il, je vous en supplie !

L’enfant n’était plus un tyran fantasque, mais un suppliant irrésistible.

Ernauton le souleva dans ses bras, non sans quelque étonnement de la délicatesse de ce corps qu’il serrait entre ses mains.

La tête du page domina donc les autres têtes.

Justement Salcède venait de saisir la plume en achevant sa revue circulaire.

Il vit cette figure du jeune homme et demeura stupéfait.

En ce moment les deux doigts du page s’appuyèrent sur ses lèvres. Une joie indicible épanouit aussitôt le visage du patient ; on eût dit l’ivresse du mauvais riche quand Lazare laisse tomber une goutte d’eau sur sa langue aride.

Il venait de reconnaître le signal qu’il attendait avec impatience et qui lui annonçait du secours.

Salcède, après une contemplation de plusieurs secondes, s’empara du papier que lui offrait Tanchon, inquiet de son hésitation, et il se mit à écrire avec une fébrile activité.

— Il écrit ! il écrit ! murmura la foule.

— Il écrit ! répéta la reine mère avec une joie manifeste.

— Il écrit ! dit le roi ; par la mordieu ! je lui ferai grâce.

Tout à coup Salcède s’interrompit pour regarder encore le jeune homme.

Le jeune homme répéta le même signe, et Salcède se remit à écrire.