Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/85

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Il jeta aux mains de son compagnon la bride d’un magnifique cheval qui battait d’un pied la terre, et lui dit :

— Attends-moi ici en promenant les chevaux.

Le soldat reçut la bride et obéit.

Une fois entré dans la grande salle de l’hôtellerie, il s’arrêta, et jetant un regard de satisfaction autour de lui :

— Oh ! oh ! dit-il, une si grande salle, et pas un buveur ! très-bien !

Maître Fournichon le regardait avec étonnement, tandis que madame Fournichon lui souriait avec intelligence.

— Mais, continua le capitaine, il y a donc quelque chose dans votre conduite ou dans votre maison qui éloigne de chez vous les consommateurs ?

— Ni l’un ni l’autre, Monsieur, Dieu merci ! répliqua madame Fournichon ; seulement le quartier est neuf, et, quant aux clients, nous choisissons.

— Ah ! fort bien, dit le capitaine.

Maître Fournichon daignait, pendant ce temps, approuver de la tête les réponses de sa femme.

— Par exemple, ajouta-t-elle avec un certain clignement d’yeux qui révélait l’auteur du projet du Rosier d’Amour, par exemple, pour un client comme Votre Seigneurie, on en laisserait volontiers aller douze.

— C’est poli, ma belle hôtesse, merci.

— Monsieur veut-il goûter le vin ? dit Fournichon de sa moins rauque voix.

— Monsieur veut-il visiter les logis ? dit madame Fournichon de sa voix la plus douce.

— L’un et l’autre, s’il vous plaît, répondit le capitaine.

Fournichon descendit au cellier, tandis que sa femme indiquait à son hôte l’escalier conduisant aux tourelles, sur lequel déjà, retroussant son jupon coquet, elle le précédait, en faisant craquer à chaque marche un vrai soulier de Parisienne.