Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/93

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— Ne vous étonnez donc que d’une chose, c’est de n’avoir que quarante Gascons, quand vous devriez en avoir quarante-cinq.

Mais, vers cinq heures, les cinq autres Gascons arrivèrent, et les convives de l’Épée se trouvèrent au grand complet.

Jamais surprise pareille n’avait épanoui des visages de Gascons : ce furent pendant une heure des sandioux, des mordioux, des cap de Bious ; enfin des élans de joie si bruyants, qu’il sembla aux époux Fournichon que toute la Saintonge, que tout le Poitou, tout l’Aunis et tout le Languedoc avaient fait irruption dans leur grande salle.

Quelques-uns se connaissaient : ainsi Eustache de Miradoux vint embrasser le cavalier aux deux laquais, et lui présenta Lardille, Militor et Scipion.

— Et par quel hasard es-tu à Paris ? demanda celui-ci.

— Mais toi-même, mon cher Sainte-Maline ?

— J’ai une charge dans l’armée, et toi ?

— Moi, je viens pour affaire de succession.

— Ah ! ah ! tu traînes donc toujours après toi la vieille Lardille ?

— Elle a voulu me suivre.

— Ne pouvais-tu partir secrètement, au lieu de t’embarrasser de tout ce monde qu’elle traîne après ses jupes ?

— Impossible, c’est elle qui a ouvert la lettre du procureur.

— Ah ! tu as reçu la nouvelle de cette succession par une lettre ? demanda Sainte-Maline.

— Oui, répondit Miradoux.

Puis se hâtant de changer de conversation :

— N’est-ce pas singulier, dit-il, que cette hôtellerie soit pleine, et ne soit pleine que de compatriotes ?

— Non, ce n’est point singulier ; l’enseigne est appétissante pour des gens d’honneur, interrompit notre ancienne connaissance Perducas de Pincorney, en se mêlant à la conversation.