Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/96

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suite, en courant, je crie : « Arrêtez ! arrêtez ! au voleur ! » La peste ! au bout de cinq minutes il était disparu, et jamais plus je n’en ai entendu parler.

— De sorte qu’accablé par cette double perte…

— Je n’ai plus osé rentrer dans la maison paternelle, et je me suis décidé à venir chercher fortune à Paris.

— Bon ! dit un troisième, le vent s’est donc changé en corbeau ? Je vous ai entendu, ce me semble, raconter à M. de Loignac, qu’occupé à lire une lettre de votre maîtresse, le vent vous avait emporté lettre et chapeau, et qu’en véritable Amadis, vous aviez couru après la lettre, laissant aller le chapeau où bon lui semblait ?

— Monsieur, dit Sainte-Maline, j’ai l’honneur de connaître M. d’Aubigné, qui, quoique fort brave soldat, manie assez bien la plume ; narrez-lui, quand vous le rencontrerez, l’histoire de votre chapeau, et il fera un charmant conte là-dessus.

Quelques rires à demi étouffés se firent entendre.

— Eh ! eh ! Messieurs, dit le Gascon irritable, rirait-on de moi, par hasard ?

Chacun se retourna pour rire plus à l’aise.

Perducas jeta un regard inquisiteur autour de lui et vit près de la cheminée un jeune homme qui cachait sa tête dans ses mains ; il crut que celui-là n’en agissait ainsi que pour mieux se cacher.

Il alla à lui.

— Eh ! Monsieur, dit-il, si vous riez, riez au moins en face, que l’on voie votre visage.

Et il frappa sur l’épaule du jeune homme, qui releva un front grave et sévère.

Le jeune homme n’était autre que notre ami Ernauton de Carmainges, encore tout étourdi de son aventure de la Grève.

— Je vous prie de me laisser tranquille, Monsieur, lui dit-il, et surtout, si vous me touchez encore, de ne me tou-