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— Oui, moi.

— Alors, c’est différent, si vous me donnez votre parole d’honneur.

— Foi de gentilhomme, ma chère madame Fournichon.

— En ce cas, je vous crois ; entrez, beau cavalier, entrez.

Et, joyeuse d’avoir enfin une de ces clientèles comme elle les désirait si ardemment pour ce malheureux Rosier d’Amour qui avait été détrôné par le Fier Chevalier, l’hôtesse fit monter Ernauton par l’escalier en limaçon qui conduisait à la plus ornée et à la plus discrète de ses tourelles.

Une petite porte, peinte assez vulgairement, donnait accès dans une sorte d’antichambre, et de cette antichambre on arrivait dans la tourelle même, meublée, décorée, tapissée avec un peu plus de luxe qu’on n’en eût attendu dans ce coin écarté de Paris ; mais, il faut le dire, dame Fournichon avait mis du goût à l’embellissement de cette tourelle, sa favorite, et généralement on réussit dans ce que l’on fait avec amour.

Madame Fournichon avait donc réussi autant qu’il était donné à un assez vulgaire esprit de réussir en pareille matière.

Lorsque le jeune homme entra dans l’antichambre, il sentit une forte odeur de benjoin et d’aloès : c’était un holocauste fait sans doute par la personne un peu trop susceptible, qui, en attendant Ernauton, essayait de combattre, à l’aide de parfums végétaux, les vapeurs culinaires exhalées par la broche et par les casseroles.

Dame Fournichon suivait le jeune homme pas à pas, elle le poussa de l’escalier dans l’antichambre, et de l’antichambre dans la tourelle avec des yeux tout rapetissés par un clignotement anacréontique ; puis elle se retira.

Ernauton resta la main droite à la portière, la main gauche au loquet de la porte, et à demi courbé par son salut. C’est qu’il venait d’apercevoir dans la voluptueuse demi-