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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

» Mais, comme s’il ne devait obéir qu’à des ordres supérieurs, il se retourna vers le commandant du château, comme pour lui en demander la permission. Sans doute il l’obtint, car il tira de sa poche un instrument de chirurgie ; seulement, au lieu que cet instrument fût une lancette, c’était une flamme à saigner les chevaux.

» Je haussai les épaules.

» — Pourquoi pas un poignard tout de suite ? lui dis-je. Ce serait plus tôt fait.

» Et j’étendis mon bras.

» Mais sans doute la première incision n’était pas suffisante, car ce ne fut qu’à la troisième ouverture que ce misérable me fit dans le bras, qu’il atteignit enfin la veine et que le sang vint.

» Cette première attaque d’apoplexie fut, trois jours après, suivie d’une seconde pour laquelle le même chirurgien, appelé de nouveau, me fit, avec le même instrument, une seconde saignée. Seulement, celle-là, il jugea à propos de me la faire au pied, et si maladroitement ou si adroitement (car on craignait toujours que, grâce au secours des patriotes, nous ne nous évadassions), qu’un nerf fut attaqué et que, pendant plus de trois mois, ma jambe enflait démesurément au bout de dix pas que je faisais.

» Cependant, comme le craignait le gouverneur, le bruit de ces infâmes traitements s’était répandu dans la ville. Un jour, une pierre tomba dans ma chambre, enveloppée d’un morceau de papier. Sur ce papier étaient écrits ces mots :

« On veut vous empoisonner, mais vous avez dû recevoir un livre dans lequel nous avons souligné le mot poison. Si vous avez besoin de quelque remède que vous ne puissiez pas vous procurer dans votre prison, laissez pendre une ficelle à votre fenêtre, et, au bout de la ficelle, on accrochera ce que vous demanderez. »

» Entre le papier et la pierre était roulée une longue ficelle armée d’un hameçon.