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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

traverser les Tuileries avec mon accoutrement : je faisais le tour par la place de la Révolution. Je la traversai sans obstacle, et suivis toute la rue Saint-Honoré. Les barricades de la rue de l’Échelle et de la rue des Pyramides étaient dispersées.

Comme j’arrivais à la rue de Richelieu, j’aperçus un régiment à la hauteur de la place Louvois. De l’autre côté du Palais-Royal apparaissait une épaisse ligne de troupes. Sur la place du Palais-Royal stationnait un escadron de lanciers.

À moins de revenir sur mes pas, je n’avais donc le passage libre d’aucun côté.

Je me trouvais presque en face de mon ancien bureau, du no 216.

J’entrai et je montai au premier étage.

J’y trouvai Oudard.

Il me regarda, hésitant à me reconnaître.

— Comment, me dit-il, c’est vous ?…

— Sans doute, c’est moi.

— Que venez-vous faire ici aujourd’hui ?

— Je viens voir si je ne rencontrerai pas le duc d’Orléans.

— Et que lui voulez-vous ?

Je me mis à rire.

— Je veux l’appeler Votre Majesté, répondis-je.

Oudard jeta un véritable cri de détresse.

— Malheureux ! dit-il, comment pouvez-vous tenir de pareils propos ?… Si l’on vous entendait ?

— Oui, mais on ne m’entend pas… le duc d’Orléans surtout.

— Pourquoi le duc d’Orléans surtout ?

— Parce que je présume qu’il est à Neuilly.

— Le duc d’Orléans est à sa place ! répondit majestueusement Oudard.

— Mon cher Oudard, comme je suis moins savant que vous en fait d’étiquette, permettez-moi de vous demander où est cette place.

— Mais près du roi, je suppose.

— Alors, dis-je, j’en fais mon compliment à Son Altesse.

En ce moment, les tambours battaient au coin de la rue de