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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Je courus au bon endroit : il y avait là un trophée équestre de la renaissance.

Je pris un bouclier, un casque et une épée ayant authentiquement appartenu à François Ier ; de plus, une magnifique arquebuse ayant appartenu à Charles IX, la même que la tradition prétend lui avoir servi à tirer sur les huguenots.

Cette tradition est presque passée à l’état historique, à cause de ce quatrain que l’arquebuse porte en lettres d’argent incrustées sur son canon, et formant une seule ligne de la culasse au point de mire :

Pour mayntenir la foy,
Je suis belle et fidèle ;
Aux ennemis du Roy
Je suis belle et cruelle !

Je mis le casque sur ma tête, le bouclier à mon bras, l’épée à mon côté, l’arquebuse sur mon épaule, et je m’acheminai, ployant sous le poids, vers la rue de l’Université.

Je tombai presque en arrivant au haut de mes quatre étages. Si c’étaient là le bouclier et le casque que portait François Ier à Marignan, et s’il est resté quatorze heures à cheval avec ce bouclier et ce casque, plus l’armure, je crois aux prouesses d’Ogier le Danois, de Roland et des quatre fils Aymon.

— Oh ! monsieur, s’écria Joseph en m’apercevant, d’où sortez-vous, et qu’est-ce que c’est que toute cette ferraille ?

Je n’essayai pas de redresser les idées de Joseph à l’endroit de mon butin ; j’y eusse perdu mon temps. Je lui ordonnai seulement de m’aider à me débarrasser du casque, qui m’étouffait.

Je déposai le tout sur mon lit, et je m’élançai de nouveau à cette splendide curée.

Cette fois, je rapportai la cuirasse, la hache et la masse d’armes.

Depuis, j’ai rendu ce beau trophée au musée d’artillerie, et je possède encore la lettre de l’ancien directeur qui me re-