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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

C’était le portrait du duc de Raguse qu’on fusillait à défaut de l’original.

Quatre balles avaient traversé la toile ; sur ces quatre balles, une trouait la tête, les deux autres la poitrine ; la quatrième se perdait dans le fond.

Un homme du peuple monta sur les épaules de ses camarades, et, avec son couteau, découpa le portrait en forme de médaillon ; puis, passant la baïonnette de son fusil dans le double trou de la poitrine et de la tête, il le porta comme ces licteurs romains que l’on voit dans les triomphes portent le S. P. Q. R.

Le portrait avait été peint par Gérard.

Je m’approchai de l’homme, et lui offris cent francs de son trophée.

— Oh ! citoyen, me dit-il, tu m’en offrirais mille francs, que tu ne l’aurais pas.

Alophe Pourrat s’approcha de lui à son tour, et offrit son fusil à deux coups ; il eut le portrait.

Probablement l’a-t-il encore.

En entrant dans la bibliothèque de la duchesse de Berry, j’aperçus, sur une petite table à ouvrage, un exemplaire de Christine relié en maroquin violet, et marqué aux armes de la duchesse. Je crus pouvoir me l’approprier ; je l’ai donné depuis à mon cousin Félix Deviolaine.

Probablement l’a-t-il perdu.

Entré par le pavillon de Flore, je sortis par le pavillon Marsan.

Dans la cour était un quadrille formé par quatre hommes. Ces quatre hommes dansaient, au son d’un fifre et d’un violon, un des premiers cancans qui aient été dansés.

Ils étaient habillés de robes de cour et coiffés de chapeaux à plumes.

C’étaient les garde-robes de madame la duchesse d’Angoulême et de madame la duchesse de Berry qui faisaient les frais de la mascarade.

L’un de ces hommes avait sur les épaules un châle cachemire qui valait bien mille écus. Il y avait gros à parier