— Et nous avons de nouveaux ministres.
— Ah ! répéta le banquier sans même demander leurs noms.
— Voilà comme vous accueillez ces deux nouvelles ! dit M. d’Argout un peu désappointé.
. Sans doute.
— Mais d’où vous vient cette froideur ?
— De ce qu’elles sont maintenant sans importance.
— Sans importance !… maintenant ! répéta M. d’Argout.
— Oui, dit Laffitte ; vous êtes en retard de vingt-quatre heures, mon cher collègue.
— Il me semble que les intérêts sont les mêmes…
— C’est possible !… seulement, depuis vingt-quatre heures, les situations sont changées !…
En ce moment, la porte du salon s’ouvrit de nouveau.
Ce n’était pas un négociateur, cette fois : c’était un homme du peuple.
Il était en blouse ; il avait la barbe longue, la tête enveloppée d’un mouchoir ensanglanté ; il tenait un fusil à la main.
— Pardon, monsieur Laffitte, dit-il en faisant résonner la crosse de son fusil sur le parquet, mais le bruit se répand que l’on négocie chez vous avec Charles X…
— Oui, dit Laffitte, et vous ne voulez point de négociations, n’est-ce pas, mon ami ?
— Plus de Bourbons ! plus de jésuites ! cria-t-on dans les antichambres.
Le cri se propagea jusque dans la rue.
— Vous voyez et vous entendez ? dit M. Laffitte.
— Ainsi vous n’écoutez rien ?
— Votre démarche est-elle officielle ?
M. d’Argout hésita.
— Je dois avouer, répondit-il, qu’elle n’est qu’officieuse.
— Vous voyez bien que je ne puis vous répondre, puisque ma réponse ne mènerait à rien !
— Mais, enfin, dit M. d’Argout voulant tâter la situation par tous les côtés, si je revenais avec un caractère officiel ?