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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Et nous avons de nouveaux ministres.

— Ah ! répéta le banquier sans même demander leurs noms.

— Voilà comme vous accueillez ces deux nouvelles ! dit M. d’Argout un peu désappointé.

. Sans doute.

— Mais d’où vous vient cette froideur ?

— De ce qu’elles sont maintenant sans importance.

— Sans importance !… maintenant ! répéta M. d’Argout.

— Oui, dit Laffitte ; vous êtes en retard de vingt-quatre heures, mon cher collègue.

— Il me semble que les intérêts sont les mêmes…

— C’est possible !… seulement, depuis vingt-quatre heures, les situations sont changées !…

En ce moment, la porte du salon s’ouvrit de nouveau.

Ce n’était pas un négociateur, cette fois : c’était un homme du peuple.

Il était en blouse ; il avait la barbe longue, la tête enveloppée d’un mouchoir ensanglanté ; il tenait un fusil à la main.

— Pardon, monsieur Laffitte, dit-il en faisant résonner la crosse de son fusil sur le parquet, mais le bruit se répand que l’on négocie chez vous avec Charles X

— Oui, dit Laffitte, et vous ne voulez point de négociations, n’est-ce pas, mon ami ?

— Plus de Bourbons ! plus de jésuites ! cria-t-on dans les antichambres.

Le cri se propagea jusque dans la rue.

— Vous voyez et vous entendez ? dit M. Laffitte.

— Ainsi vous n’écoutez rien ?

— Votre démarche est-elle officielle ?

M. d’Argout hésita.

— Je dois avouer, répondit-il, qu’elle n’est qu’officieuse.

— Vous voyez bien que je ne puis vous répondre, puisque ma réponse ne mènerait à rien !

— Mais, enfin, dit M. d’Argout voulant tâter la situation par tous les côtés, si je revenais avec un caractère officiel ?