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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Eh bien, général ?

— Eh bien, c’est impossible !

— Comment, impossible ?

— Je ne puis pas me compromettre au point de donner un pareil ordre.

Je le regardai en face.

— Pourquoi pas, général ? lui dis-je. Je me compromets bien au point de l’exécuter, moi !

Le général tressaillit et me regarda à son tour.

— Non, dit-il, non ! je ne puis pas… Adressez-vous au gouvernement provisoire.

— Ah ! oui, votre gouvernement provisoire ! avec cela qu’il est facile à trouver ! Je l’ai cherché de tous les côtés ; je me le suis fait indiquer par tout le monde, et, là où l’on m’a adressé, je n’ai jamais vu qu’une grande salle déserte, avec une table au milieu, des bouteilles de vin et de bière vides sur la table, et, dans un coin, à un bureau, une espèce de plumitif écrivant… Croyez-moi, général, puisque je tiens la réalité ; ne me renvoyez pas à l’ombre, et signez-moi l’ordre en question.

— Vous le voulez absolument ? me dit-il.

— Je le désire, général.

— Et vous ne vous en prendrez qu’à vous du mal qui pourra vous arriver ?

— Voulez-vous que je vous donne d’avance décharge de ma personne ?

— Écrivez l’ordre vous-même.

— À la condition, général, que vous voudrez bien le recopier tout entier de votre main… L’ordre aura plus de puissance étant autographe.

— Soit.

Je pris un morceau de papier, et j’écrivis ce modèle d’ordre :

« Les autorités militaires de la ville de Soissons sont invitées à remettre à l’instant même à M. Alexandre Dumas toute la poudre qui pourra se trouver, soit dans la poudrière, soit dans la ville.

» Paris, ce 30 juillet 1830. »