Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
210
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Les chevaux firent un bond en avant, et partirent au grand trot.

— Eh bien, eh bien, que faites-vous donc ? demanda le postillon.

Au lieu de répondre, je redoublai mes coups, et les chevaux passèrent du trot au galop.

— Ah ! mille dieux ! ah ! tonnerre de chien ! ah ! c’est comme cela que vous le prenez… Laissez-moi descendre un peu !… Ah ! vous verrez ! ah ! vous aurez affaire à moi !… Aooh ! aooh !… Voulez-vous bien finir, mille dieux !

— Eh bien, père Levasseur, criai-je en continuant de frapper à tour de bras, quand je vous disais que je savais mieux mon état que vous ne saviez le vôtre !

— Tonnerre de chien ! finissez-vous, une fois !… Non ?!… Aooh ! aooh !…

Le père Levasseur avait beau crier aooh ! et tenir ses chevaux en bride, ses chevaux se cabraient, mais ils galopaient en se cabrant.

Par malheur, ma branche d’orme cassa, et je me trouvai désarmé.

Cependant, les chevaux étaient si bien lancés, qu’ils ne s’arrêtèrent qu’au bout d’une centaine de pas.

— Ah ! mille dieux ! ah ! tonnerre de chien ! criait le père Levasseur ; quand mes chevaux vont être arrêtés, vous allez un peu avoir affaire à moi !

— Qu’est-ce que vous comptez faire, père Levasseur ? lui dis-je en riant.

— Les dételer, donc, et vous laisser, vous et votre cabriolet, au milieu de la route… Nous verrons s’il est permis de mettre de pauvres animaux dans un pareil état.

Et le père Levasseur calmait peu à peu ses chevaux.

— Passez-moi un de mes pistolets, dis-je à Bard.

— Comment, un de vos pistolets ?

— Passez vite.

— Mais vous n’allez pas lui brûler la cervelle ?

— Si fait !

— Ils ne sont pas chargés.