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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

chasse pour tâter si mes pistolets étaient bien dans mes poches.

Ils y étaient bien.

— Monsieur, me dit le commandant de place d’un ton assez goguenard, en votre absence, j’ai fait appeler M. le marquis de Lenferna et M. Bonvilliers, qui sont, avec moi, les autorités militaires de la ville, afin que vous puissiez exposer devant eux, comme vous l’avez fait devant moi tout à l’heure, l’objet de votre mission.

Je vis qu’il fallait prendre la conversation sur le ton où la mettait M. de Liniers.

— Mon Dieu, monsieur, lui répondis-je, l’objet de ma mission est bien simple : il s’agit tout bonnement pour moi de prendre la poudre que je trouverai dans le magasin, et de transporter cette poudre à Paris, où l’on en manque… Et, à ce propos, j’aurai l’honneur de vous dire que vous étiez mal renseigné, monsieur le lieutenant de roi : ce n’est pas deux cents cartouches qu’il y a au magasin, c’est deux cents livres de poudre.

— Deux ceints livres de poudre ou deux cents cartouches, la question n’est pas là, monsieur ; la question est que vous venez prendre la poudre d’une ville de guerre ayant huit cents hommes de garnison.

— En effet, monsieur, répondis-je, vous replacez la question sur son véritable terrain : je viens prendre la poudre d’une ville de guerre ayant huit cents hommes de garnison, et voici mon ordre.

Je présentai l’ordre du général Gérard au lieutenant de roi, qui, sans doute parce qu’il le connaissait déjà, le prit du bout des doigts, le regarda négligemment, et le passa à son voisin, lequel, après l’avoir lu, le rendit à M. de Liniers avec un léger signe de tête.

— Et, probablement, pour mettre cet ordre à exécution, en supposant que nous nous refusions à y obtempérer, vous avez une armée ?

— Non, monsieur ; mais j’ai une volonté fort arrêtée de prendre cette poudre, attendu que je me suis engagé devant le général la Fayette à la prendre ou à me faire tuer. C’est