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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

dire à M. le lieutenant de roi que vous êtes prêts à faire feu non-seulement sur lui, mais encore sur les autres personnes que je désignerai, s’il ne signe pas à l’instant même l’autorisation de prendre la poudre.

Pour toute réponse, Hutin et Moreau armèrent leurs fusils.

Madame de Liniers suivait tous mes mouvements et ceux de son mari avec des yeux hagards.

— Cela suffit, monsieur, me dit le lieutenant de roi, je suis prêt à signer.

Et, prenant un papier sur son bureau, il écrivit ces lignes :

« J’autorise M. Alexandre Dumas à se faire livrer toutes les poudres appartenant à l’artillerie qui se trouveront dans la poudrière Saint-Jean.

» Le lieutenant de roi commandant la place,
» Vicomte de Liniers.
» Soissons, ce 31 juillet 1830.

Je pris le papier que me tendait le comte ; je saluai madame de Liniers, en lui présentant mes excuses pour la terreur involontaire que je venais de lui causer, et je sortis[1].

Dans la rue, nous rencontrâmes le second ami dont Hutin m’avait parlé, M. Quinette. Il venait se joindre à nous.

C’était un peu tard, comme on voit ; il est vrai qu’il devait nous quitter bientôt.

Son avis fut qu’il fallait procéder légalement, et que, pour procéder légalement, j’avais besoin, d’être assisté du maire.

Je n’avais rien à dire contre la proposition ; je tenais mon ordre. J’allai chercher le maire.

J’ai oublié le nom de cet honorable magistrat ; tout ce dont

  1. Je crois devoir, en terminant ce récit, prendre la précaution que j’ai déjà prise en le commençant, c’est-à-dire renvoyer au moniteur du 9 août 1830 le lecteur qui croirait que je fais du roman. — Voir aussi la note A à la fin de ce volume.