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NOTES

prouve, c’est que le dépôt qu’il voulait faire entre nos mains fut nettement refusé. La réception du décret et sa publication, que demandait M. de Sussy, n’entraient pas, d’ailleurs, dans nos attributions. La réunion des députés s’était réservé la haute question politique, c’est-à-dire le droit d’organiser le gouvernement définitif. Nous n’avions à nous occuper de cette question que dans le sein de la réunion même, et comme en faisant partie.

» En nous quittant, M. de Sussy se transporta à la Chambre, et fit remettre le décret à M. Laffitte, qui présidait et qui refusa également de le recevoir : il n’en prévint pas l’Assemblée. M. Dumas ignore, sans doute, qu’il existait alors dans le peuple et dans la Chambre deux tendances opposées. La Chambre se repentait de la révolution, qu’elle avait faite sans le vouloir ni le savoir. Elle était disposée à traiter avec Charles X. M. de Mortemart, nommé premier-ministre à la place de M. de Polignac, avait fait demander à la réunion des députés, devenue fort nombreuse depuis la victoire, à être admis à lui communiquer les intentions royales. La réunion s’était empressée de lui répondre qu’elle le recevrait le même jour ; elle avait décidé en même temps qu’elle s’assemblerait au palais législatif pour l’entendre, et s’était même occupée de la question d’étiquette. Les questeurs devaient d’abord le recevoir dans un salon ; des huissiers seraient ensuite allés au-devant de lui, et l’eussent introduit dans la salle. Pour apprécier la déférence que les députés avaient mise à se transporter au palais législatif, il faut se rappeler que, jusqu’alors, ils ne s’étaient réunis que chez l’un d’eux ; ils ne devaient s’assembler officiellement, au lieu ordinaire de leurs séances, et avec le caractère de Chambre, que le 3 août, jour fixé par l’ordonnance de convocation, c’est-à-dire deux ou trois jours plus tard.

» La séance eut lieu, mais M. de Mortemart ne parut pas. De là le décret qui, le jour même, après une assez longue attente, conféra la lieutenance générale au duc d’Orléans. Je n’ai jamais douté, quant à moi, que, si M. de Mortemart se fût présenté, les événements n’eussent pris une direction différente.

» Le peuple n’était pas comme la Chambre : il ne voulait plus de Bourbons. Le duc d’Orléans lui-même, après sa proclamation comme roi, ne put se faire accepter qu’en s’abritant sous la popularité du général la Fayette, et en parcourant les rues de Paris pendant plusieurs jours, donnant des poignées de main aux uns, faisant des discours aux autres, et trinquant avec le premier venu : je dis les faits, je ne crée pas.

» Au moment où, suivant M. Dumas, nous étions en conférence avec M. de Sussy, arriva la députation Hubert, qui, voyant la porte fermée,