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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Joseph — c’était le nom de mon domestique — me présenta le papier, et je lus :

« Alphonse Signol, pour affaire pressante. »

Je crus qu’il s’agissait de son drame, et, comme je ne trouvais pas l’affaire aussi pressante que Signol voulait bien le dire, comme j’étais passablement fatigué, je me couchai en recommandant à mon domestique de dire à quiconque viendrait me demander que je n’étais pas chez moi.

Vers cinq heures, je me réveillai et sonnai.

Signol était revenu, et avait écrit de nouveau quelques lignes.

Je me fis apporter le billet ; voici ce qu’il contenait :

« Cher monsieur Dumas,

» Je me bats demain matin à l’épée avec M. Marulaz, lieutenant au 3e de la garde.

» Je vous avais dit que je vous prendrais pour témoin, et je suis venu ce matin vous prier de me rendre ce service.

« Vous n’étiez pas chez vous ; j’ai dû chercher mon affaire ailleurs : je l’ai trouvée.

» Si je suis tué, je vous recommande le Chiffonnier ; c’est la seule ressource qui restera à ma mère.

» Vale et me ama !

» Alph. Signol. »

Cette lettre me préoccupa tristement pendant la journée et pendant la nuit.

J’ignorais entièrement où demeurait Signol, — si toutefois Signol demeurait, — je ne pouvais donc envoyer chez lui.

Je pensai tout à coup qu’il me serait possible d’avoir de ses nouvelles au café des Variétés ; il y allait presque tous les jours ; et, un mois auparavant, il y avait eu, avec Soulié, une querelle qui avait fini par l’échange de deux coups de pistolet.