Page:Dumas - Mes mémoires, tome 6.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Bravo ! lui dit tout bas son ami, tu as pris la bonne !

On se mit en garde.

À la deuxième passe, Marulaz désarma Signol.

— Monsieur, s’écria celui-ci en faisant un pas de retraite, je suis désarmé !

— Je le vois bien, monsieur, répondit Marulaz avec calme ; mais, comme vous n’êtes pas blessé, ramassez votre épée, et continuons.

Signol ramassa son épée, tira une ficelle de la poche de son gousset, assura la poignée de l’épée dans sa main, et, avec une rapidité peut-être tant soit peu hors des règles d’un combat régulier, se remit en garde, se fendit, et blessa grièvement son adversaire au bras.

En sentant le froid du fer, en voyant son sang couler, Marulaz s’irrita ; il fondit sur son adversaire, le força de rompre pendant plus de vingt pas, l’accula à une haie, se fendit, et lui passa son épée au travers du corps.

Signol poussa un cri aigu, étendit les bras, et rendit le dernier soupir avant même d’être couché à terre.

— Messieurs, dit Marulaz en se tournant vers les quatre témoins, ai-je fait loyalement ?

Ceux-ci s’inclinèrent et rendirent hommage à la loyauté du jeune officier.

S’il y avait eu quelque chose à redire dans cette fatale rencontre, c’était du côté du mort.

Mais on ne reproche rien à un cadavre…

J’avais, on se le rappelle, hérité du manuscrit de Signol ; — ce manuscrit, le directeur de la Porte-Saint-Martin en avait un double.

Trois ou quatre mois après, j’assistais à la première représentation de Victorine, ou la Nuit porte conseil. C’était la fable du Chiffonnier, enfermée, il est vrai, dans un cadre charmant que n’avait point trouvé Signol.

Un des auteurs était Dupeuty ; les autres étaient Dumersan et Gabriel.

J’allai trouver Dupeuty ; je lui remis le manuscrit du Chiffonnier et je lui demandai s’il était juste que la mère de