Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

rions maîtres chez nous, mais encore que nous étendrions cette suprématie sur toute l’Europe.

Un instant, on crut, à propos de l’Espagne, que la France allait adopter cette large et splendide politique.

Il est vrai que le mobile qui faisait agir Louis-Philippe à l’endroit de l’Espagne était un sentiment tout personnel.

Aussi niais et presque aussi lâche que son aïeul Ferdinand de Naples qui n’avait pas voulu reconnaître la république française, Ferdinand d’Espagne n’avait pas voulu reconnaître la révolution de juillet, ou plutôt le prince qui venait d’hériter d’elle d’une façon presque aussi mystérieuse qu’il venait d’hériter du dernier des Condé.

Alors, dans un premier mouvement de colère, le roi Louis-Philippe avait reçu, conduit par M. Odilon Barrot, trois des membres du comité espagnol, MM. Loëve-Weimars, Marchais et Dupont ; il avait traité son frère Ferdinand de coquin, et presque offert la corde avec laquelle il désirait le voir pendre[1].

Il avait fait plus : il avait, pour soutenir les tentatives des révolutionnaires espagnols, mis cent mille francs à la disposition de la Fayette.

De ce côté, du moins, on se croyait à l’abri de tout revirement politique. M. Girod (de l’Ain), préfet de police, distribuait ouvertement des feuilles de route aux réfugiés espagnols se dirigeant vers les Pyrénées ; les impériales de toutes les voitures publiques étaient réservées à ces proscrits, qui allaient rentrer chez eux à la face du ciel, et, tout le long de la route, outre ces voyageurs privilégiés, on rencontrait des bandes de cinquante, de cent, de cent cinquante hommes qui, tambours battants, bannières déployées, marchaient vers la Bidassoa.

Enfin, M. Guizot, l’homme de Gand, c’est-à-dire l’homme de la réaction, avait dit tout haut :

  1. Voici les propres paroles du roi Louis-Philippe : « Quant à Ferdinand VII, on peut le pendre si l’on veut ; c’est le plus grand coquin qui ait jamais existé ! »