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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

de poste, qui, s’apercevant qu’il se passait dans le cabriolet quelque chose d’extraordinaire, avait secondé les efforts de Charras en le tirant en arrière.

On rentra dans la maison. Charras ôta habit, gilet et chemise. Le fer avait pénétré sous l’aisselle à la profondeur d’un pouce et demi, à peu près ; le sang coulait en abondance. On râpa de l’amadou, on tamponna la plaie avec un mouchoir mouillé, et, grâce à cet appareil, maintenu par le bras du blessé, le sang s’arrêta.

Lothon était désespéré, mais son désespoir ne menait à rien. Charras l’invita à l’en tenir quitte.

Au moment où les deux jeunes gens montaient en voiture :

— Avez-vous d’autres armes que vos épées ? leur demanda le maître de poste.

— Ma foi, non ! répondirent-ils.

Alors, le maître de poste alla à une armoire, en tira deux pistolets qu’il chargea et qu’il fourra dans les basques de l’habit de Charras.

J’aurais bien envie de nommer cet excellent homme ; mais qui sait si son patriotisme de 1830 ne lui ferait pas du tort aujourd’hui ?

Les deux blessés s’endormirent, chargeant les postillons de faire mettre les chevaux à la voiture.

En général, les postillons étaient bons patriotes, et, quoique, avec ses vingt francs, Charras ne pût leur donner de copieux pourboires, ils s’acquittèrent consciencieusement de la double commission de marcher vite et de relayer promptement.

D’ailleurs, le maître de poste du Bourget avait conseillé aux deux jeunes gens de faire courir un second postillon devant eux ; comme l’ordre de N. Chardel était illimité, il ne leur en coûtait pas davantage.

Tout alla bien jusqu’à la poste de Ribécourt.

À Ribécourt, on réveilla Charras.

— Qu’y a-t-il ? demanda, le dormeur en se frottant les yeux.

— Il y a que le maître de poste ne veut pas donner de che-