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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Nous allâmes à lui.

— Il n’y aura rien aujourd’hui, nous dit-il ; l’affaire est remise à la semaine prochaine.

— Bon ! répondis-je ; va pour la semaine prochaine, alors !

Il nous donna une poignée de main, et disparut.

Je me retournai du côté de Bixio.

— J’espère que cela ne nous empêchera pas de dîner, lui dis-je, que l’affaire soit remise à la semaine prochaine ?

— Au contraire. J’ai une faim de loup ! je trouve que rien ne creuse comme de conspirer.

Et nous allâmes dîner avec l’appétit et l’insouciance qui sont l’apanage des conspirateurs de vingt-huit ans.

J’ai toujours soupçonné mes nouveaux chefs d’avoir voulu ce qu’on appelle, en termes de régiment, me tâter. En ce cas, Cavaignac ne serait venu que pour s’assurer de ma fidélité à me rendre à l’appel.

Bixio était-il dans la confidence, ou n’y était-il pas ? C’est ce que je n’ai jamais su.


CLXXVIII


Odilon Barrot préfet de la Seine. — Ses soirées. — Sa proclamation au sujet des émeutes. — Dupont (de l’Eure) et Louis-Philippe. — Démission du ministère Molé et Guizot. — Affaire de la forêt de Breteuil. — Ministère Laffitte. — La discrétion de l’enregistrement.

Au reste, la séance de la Chambre avait été chaude, ce jour-là, et, si nous avions fait irruption dans la salle, nous eussions trouvé MM. les députés fort occupés d’une proclamation d’Odilon Barrot.

C’était une singulière position, pour un homme en apparence aussi droit et aussi rigide que l’était Odilon Barrot, que celle que lui faisaient à la fois son service auprès du roi comme préfet de la Seine et ses amitiés avec la plupart d’entre nous.

Il avait ses soirées, où nous allions en grand nombre, et dont sa femme, toute jeune alors, et qui paraissait plus répu-