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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

De ce palais souffrez donc que je sorte.
À vos grandeurs je devais un salut ;
Amis, adieu ! j’ai, derrière la porte,
Laissé tantôt mes sabots et mon luth.
Sous ces lambris, près de vous accourue,
La Liberté s’offre à vous pour soutien…
Je vais chanter ses bienfaits dans la rue.
En me créant, Dieu m’a dit : « Ne sois rien ! » .

Béranger se retira donc, laissant ses amis plus empêtrés encore dans le pouvoir que le corbeau de la Fontaine dans la laine du mouton.

Même, quand il fait du sentiment, Béranger a bien de la peine à n’y pas mettre un peu de malice, et peut-être, tout en chantant dans la rue les bienfaits de la liberté, rit-il plus d’une fois en dessous, justifiant cette désolante maxime de la Rochefoucauld, qu’il y a toujours, dans le malheur même de notre meilleur ami, quelque chose qui nous fait plaisir.

Au reste, combien de temps le chansonnier philosophe devait-il acclamer dans son cœur ce gouvernement qu’il avait fondé ? Nous disons acclamer dans son cœur, car, soit défiance de la stabilité des choses humaines, soit qu’il jugeât bon de faire des rois, mais mauvais de les chanter, jamais, Dieu merci ! Béranger ne sacra par une seule louange rimée cette royauté de juillet qu’il avait vantée de sa parole.

Maintenant, mesurons l’espace dans lequel est renfermée son admiration ou sa sympathie pour cette royauté.

Oh ! il ne sera pas grand !

En six mois, tout est fini ; le poëte a mesuré le roi : le roi est bon à mettre avec les vieilles lunes de Villon !

En doute-t-on ? qu’on écoute Béranger lui-même. Cet homme qui, le 31 juillet, jetait, comme les petits Savoyards, une planche sur le ruisseau, le voilà qui pousse du pied cette planche dans le ruisseau : ce n’est point sa faute si elle n’y tombe pas, et le roi avec elle.

Oui, chanson, muse, ma fille,
J’ai déclaré net