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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Qu’y a-t-il pour votre service, messieurs ? demanda-t-il après les premiers compliments échangés.

Charras, en quelques mots, raconta l’histoire des trois jours, la prise du Louvre, la fuite du roi, la nomination du gouvernement provisoire, toute la révolution enfin.

Les deux officiers écoutaient le récit d’autant plus froidement qu’il avançait vers sa fin.

Charras crut que c’était le moment de tirer les deux papiers de sa poche.

Il les présenta tous deux au colonel.

L’un était sous enveloppe et cacheté : c’était la lettre de Mauguin ; l’autre était tout simplement plié en quatre : c’était la proclamation de la Fayette.

Le hasard fit que le colonel commença par briser le cachet et rompre l’enveloppe : il tomba sur la lettre de Mauguin.

Il en lut les premières ligues, puis passa à la signature.

— Magin… Magnin… Qu’est-ce que c’est que cela ? dit-il.

— Mauguin, reprit Charras ; M. Mauguin… membre du gouvernement provisoire, quoi !

— Mauguin ? répéta le colonel en regardant le chef d’escadron.

— Oui, un avocat, répondit celui-ci.

— Un avocat ! dit le colonel avec un accent qui fit frissonner Charras.

— Ah ! dit tout bas celui-ci à Lothon, je crois que nous sommes flambés !

— Et moi, j’en suis sûr ! dit Lothon.

— Le pistolet, alors !… le pistolet !

— Attends donc… il sera toujours temps.

En effet, le colonel lisait la seconde dépêche ; le nom du général la Fayette parut corriger un peu la mauvaise impression produite par le nom de Mauguin.

Si l’on eût eu une troisième lettre signée d’un second général, on était sauvé.

Malheureusement, la troisième lettre manquait.

— Eh bien, messieurs ? demanda le colonel après avoir lu la seconde lettre.