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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

» Je voudrais fort que tous nos enfants apprissent à lire, et plus le prix que les précepteurs mettraient à leurs leçons serait vil, plus je les en estimerais, — en attendant que le gouvernement nous donnât des maîtres qui leur apprissent à lire pour rien ! Quant à cette accusation qu’Épicure demeurait avec une courtisane nommée Léontie, il me semble que Béranger nous à dit quelque part qu’il a connu très-intimement deux grisettes parisiennes, l’une nommée Lisette, l’autre Frétillon ; supposez que deux grisettes de Paris fassent l’équivalent d’une courtisane d’Athènes, et l’auteur des Deux Sœurs de charité et du Dieu des bonnes gens n’aura rien à reprocher, ni vous non plus, monsieur, à l’auteur dès trente-sept livres de la Nature.

» Je sais bien, monsieur, que Timocrate accuse notre philosophe de n’être pas bon citoyen, et lui reproche d’avoir eu une complaisance indigne et lâche pour Mytras, lieutenant de Lysimachus ; je sais bien encore qu’Épictète dit que sa manière de parler était efféminée et sans pudeur ; je sais bien, enfin, que l’auteur du livre de la Joie dit qu’il vomissait deux fois par jour parce qu’il mangeait trop.

» Mais, monsieur, l’antiquité, vous ne l’ignorez pas, était fort cancanière, et il me semble que Diogène Laërce répond victorieusement à tous ces méchants propos par des faits.

» Ceux qui lui font ces reproches, « dit le biographe d’Épicure » n’ont agi, sans doute, que par excès de folie.

» Ce grand-homme a de fameux témoins de son équité et de sa reconnaissance ; l’excellence de son naturel lui a toujours fait rendre justice à tout le monde. Sa patrie consacra cette vérité par les statues qu’elle dressa pour éterniser sa mémoire ; son nom fut célébré par ses amis, — dont le nombre était si grand, que les villes qu’il parcourait ne pouvaient les contenir, — aussi bien que par les disciples qui s’attachèrent à lui à cause du charme de sa doctrine, laquelle avait, pour ainsi dire, la douceur des sirènes. Il n’y eut, » ajoute le biographe, « que le seul Metrodore de Stratonice, qui, presque accablé par l’excès de ses bontés, suivit le parti de Carnéade ! »

» Diogène Laërce continue, et moi avec lui :

» Sa vertu fut marquée en d’illustres caractères par la reconnaissance et la piété qu’il eut envers ses parents, et par la douceur avec laquelle il traita ses esclaves ; témoin son testament, où il donna la liberté à ceux qui avaient cultivé la philosophie avec lui, et particulièrement au fameux Mus.

» Cette même vertu fut, enfin, généralement connue par la bonté de