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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le colonel Poque, la cheville du pied brisée par une balle, se coucha de douleur sur le dos de son cheval, mais ne bougea point.

On alla à lui, on le prit et on le transporta dans les communs du château.

Cet exemple montrait aux soldats à quels hommes ils avaient affaire.

Charles X fut désespéré de l’événement ; il s’informa de ce qu’était le colonel Poque, et lui fit demander par madame de Gontaut s’il désirait quelque chose.

Poque, qui avait sa mère dans les Pyrénées, désirait qu’on avertît celle-ci de l’événement, mais sans lui dire tout ce que la blessure avait de grave. Charles X avait envoyé son propre médecin au colonel, et il était tout simplement question de lui couper la jambe !

Madame de Gontaut écrivit elle-même à la mère du blessé.

À cinq heures, on avait appris l’approche de l’armée parisienne ; à sept heures, on avait annoncé son arrivée. Cette armée matériellement n’était pas bien terrible ; mais, moralement, c’était l’esprit de la révolution marchant contre la royauté.

On délibérait au milieu des angoisses, des conseils divers, des résolutions opposées.

Les uns voulaient tenir jusqu’à la fin, proposant une retraite sur la Loire, une Vendée, une chouannerie.

Les autres désespéraient de la fortune de la monarchie, et conseillaient une prompte fuite.

Le dauphin, qui, en voulant arracher l’épée au maréchal Marmont, s’était coupé les doigts, boudait comme un enfant.

Le maréchal, qui se tenait pour insulté, gardait le silence, et se renfermait dans sa chambre.

À huit heures, Rambouillet était déjà à moitié abandonné : les courtisans — ceux mêmes qui avaient dîné ce jour-là à la table du roi — avaient disparu, quelques-uns si précipitamment, qu’ils n’avaient pas pris le temps d’emporter leur chapeau.