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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Et, ajouta le maréchal Maison, soixante mille hommes marchent sur Rambouillet. Que le roi y songe !

Le roi s’arrêta devant le maréchal Maison, et, après un instant de silence :

— Deux mots, monsieur le maréchal, dit-il.

Les autres commissaires se reculèrent.

— Je suis aux ordres du roi, dit le maréchal.

Le roi fit signe au maréchal de venir à lui.

Le maréchal obéit.

— Sur votre honneur, monsieur, dit le roi en regardant le maréchal en face, l’armée parisienne est-elle, comme vous l’assurez, forte de soixante mille hommes ?

Le maréchal pensa, sans doute, que c’était un pieux mensonge que celui qui sauvait le pays de la guerre civile.

Puis peut-être aussi croyait-il dire la vérité : la plaine, la route, tout l’espace compris entre Versailles et Rambouillet était couvert d’hommes.

— Sur mon honneur, sire ! dit-il.

— C’est bien, dit Charles X, retirez-vous… Je vais prendre l’avis du dauphin et celui du duc de Raguse.

Les commissaires sortirent.

Le dauphin refusa de donner son avis.

— Sire, répondit le duc de Raguse, je crois offrir à mon roi une dernière preuve de fidélité en lui conseillant la retraite.

— Bien, monsieur le maréchal, dit Charles X. Que tout soit prêt pour le départ demain, à sept heures du matin.

Hélas ! ce fut ainsi, forcé, poussé à bout par les circonstances, que rendit son épée ce dernier de nos rois chevaliers, qui ne comprenait cependant qu’on la rendit, comme le roi Jean ou comme François Ier, que sur un champ de bataille !

C’est que la royauté venait d’essuyer une défaite bien autrement désastreuse que Poitiers ou Pavie.

Pendant que tous ces graves intérêts se débattaient entre les puissants ou plutôt entre les faibles de la terre, — car n’étaient-ils pas plus faibles que les autres hommes, ces rois qui devaient s’en aller, chacun à son tour, mourir, l’un dans l’exil