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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

et, cependant, qui connaît le nom du commandant Bourgeois ?

Par bonheur, c’est mon droit, quand je trouve un de ces noms-là sur mon chemin, un nom perdu, oublié, enseveli sous la poussière du passé, de le prendre, de souffler dessus, et de le présenter tout resplendissant à mes contemporains. Non-seulement c’est mon droit, mais encore c’est mon devoir ; d’autant plus que Bourgeois est un de ces braves de 93 que l’on calomnie, quand on ne les oublie pas.

Après la déroute de Vihiers, et tandis que notre armée essayait de se réorganiser à Chinon, Bourgeois, qui commandait le 8e bataillon de Paris, celui qu’on appelait le bataillon des Lombards, eut l’ordre de quitter les Ponts-de-Cé et d’occuper la roche de Meurs.

C’était une position détestable : au nord, la roche à pic dominant un bras du Louet, petite rivière qui va se jeter dans la Loire ; à l’ouest, un plateau peu étendu, ondulé par quelques mouvements de terrain ; au sud, un ravin au fond duquel coule l’Aubance ; au delà, les hauteurs de Mozé, de Soulaines et de Derrée.

Une fois campé sur ce malheureux plateau, il n’y a plus de retraite possible, si l’on est attaqué de front et en flanc.

Mais l’ordre était donné ; il fallait obéir.

Bourgeois et ses quatre cents hommes campèrent sur la roche de Meurs.

— Un drôle de nom, commandant, que la roche de Meurs ! dit un des soldats.

— Mon ami, répondit Bourgeois, c’est l’impératif du verbe mourir.

— Qu’est-ce que c’est que cela, un impératif ?

— Je te le montrerai, quand l’heure sera venue.

Les Vendéens débouchèrent sur la route de Brissac.

Ils étaient douze mille, commandés par Bonchamp, et secondés par d’Autichamp et Scépeaux.

Le bataillon des Lombards se composait, comme nous l’avons dit, de quatre cents hommes.