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LES GARIBALDIENS

Je serrai la main de cet homme si bon, si juste, si pitoyable, dont le cœur est mi-partie d’ange, mi-partie de lion, qui rit aux balles et pleure à la misère ; je m’en allai tout pensif en songeant à la rude tâche entreprise par Garibaldi et par lui, Turr, qui est son second, non-seulement de délivrer, mais encore d’épurer un pays corrompu par quatre cents ans de domination espagnole et napolitaine.

Toute la journée, la pensée de l’arrestation de cet homme, dont j’étais la cause bien involontaire, me tourmenta ; je parlais de Santo-Meli à tous ces officiers insoucieux qui savaient à peine ce que je voulais dire, et qui, lorsque j’avais fixé leur pensée sur le prisonnier, disaient : « Ah ! oui, ce brigand que l’on fusille demain ? Oh ! nous ne le laisserons pas échapper comme Santa-Anna, nous ! »

Mon Dieu ! comment peut-on être juge, comment peut-on être procureur impérial ou royal, demander tous les jours la tête d’un homme, et garder un rayon d’azur dans les yeux et un sourire sur les lèvres ?

Je comprends le chasseur qui, dans l’ardeur de la chasse, tue depuis la caille jusqu’au sanglier, sans pitié pour la faiblesse de l’une, sans crainte pour la brutalité de l’autre ; mais je ne comprends pas le chasseur qui coupe le cou à un poulet ou qui égorge un cochon.