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8 MONSIEUR JACQUES.


acolytes, me fit Lenter un violent eflort pour recouvrer ma liberté et voler au secours de la fille de mes hôles, mais les aides se lenaient sur Leurs gardes, et je ne pus réussir dans aua tentalive.

— À moi! Charles V#*, m'é je alors d'une voix dé- sespérée ! Venez !... on outrage votre fille !

Je n'avais pas fini de prononcer ces derniers mots, lors- qu'un secours sur lequel je ne comptais certes pas m'arriva fort à propos,

Le Bière de mademoiselle Clotilde, le jeune Louis, bondit tout à coup, semblable à un tigre, au milieu de la chamb: puis saisissant, dans la cheminée, une chevretle en fer, il S'élança en rugissant vers le commissaire, qui, au même instant, roula loul couvert de sang, et la tête horriblement ouverte, sur le plancher.

Quant à moi, profitant de la stupéfaction des deux aides, je me débarrassai d’eux, en mettant le sabre à la main :

— Hors d'ici, de suite, canailles! m'écriai-je, où vous êtes morts.

Inutile d'ajouter que les deux lâches coquins, privés de leur chef, s'empressèrent d'obéir à mon ordre, et que nous reslämes, Louis et moi, maîtres du champ de bataille,

Tout cela s'élait passé en vingt fois moins de temps que je n'en mets ici à le raconter : à peine cet épisode avait-il duré une demi-minute.

M. et madame V°**, que je mis en peu de mots au cou- rant de cette triste affaire, éprouvaient un tel saisissement, qu'ils ne savaient que résoudre : ils se voyaient tous perdus,

— Mes amis, leur dis-je, aidez-moi d'abord à transporter ce commissaire hors de celte chambre... Si, comme je l'es- père, il n’est qu'étourdi, el si sa blessure n’est pas trop grave Ou trop dangereuse, nous parviendrons probablement, au moyen d'un sacrifice pécunier, à arranger celle affaire S'il meurt, ma foi, tant pis! Après tout, il aura bien mérité son Sort. Quant à vous, mon cher ami, continu dressant à Louis, partez au plus vite! Réfugiez-vous chez un de vos amis, ou de vos parents... où vous voudrez, pourvu que l'on ne vous arrête pas sur le moment

— Oui, mon fils chéri, sauve-toi! ajouta madame Y*** en embrassant le jeune homme, Ne perds pas une minute... Au revoi

Me rappelant fort à propos que Gaston m'avait fait son héritier, je glissai une dizaine de louis dans la main du jeune homme, et sans lui donner le temps de répondre, je le pous- sai doucement jusqu'à la porte de la rue,

Le commissaire des réquisitions n’était heureusement qu'évanoui, el i ne tarda pas à reprendre connaissance,

J'allais, après lui avoir reproché avec sévérité l'indignité de sa conduite, aborder la question des dommages et inlé- rôts, lorsque je vis entrer dans la cuisine une troupe révo- lutionnaire d'environ quinze hommes ; en lle de ce déla- chement se trouvaient les deux aides du commissaire,

— Au nom de la loi, je L' Time dit le chef de cette expédition en me prenant au collet,

— Il est inutile que tu emploies la violence, lui répondis- je tranquillement, mou intention n’est nullement de résister,

— El tu as raison, ce serait en vain.

— Laisse-moi, alors, prendre mon sac dans ma chambre et je te suis.

— Un moment! tu veux peut-être tenter de L'échapper ?

— Cela me serait assez difficile, car la maison ne possède qu'une issue et la fenêtre de ma chambre donne sur la rue.

— N'importe, deux hommes vont l'accomp:

Mon hôte profitant de ce que la troupe révolutionnaire élait occupée autour du commissaire qui lui faisail le récit de l'abominable guct-apens dans lequel il était tombé, me sui- vil avec les deux gardes.

—Mon cher ami, lui murmurai-je, en glissant danssa main un rouleau de cent louis, si l'on me condamne, cet argent vous appartiendra; si l'on n'acquitle, vous me le rendrez.

Je pris alors mon saç, el me relournant vers les deux gar- des que l'on n'avait donnés et qui marchaïent sur mes ta- lons pour épier mes moindres mouvements :

— Citoyens, leur dis-je, cela ne fait pas un doute pour


moi que l’on me relächera tout à l'heure. Je suis un mili: laire qui revient de combattre les satellites de l'étranger à la frontière. Tenez, voici un louis en or que j'ai trouré dans la poche d'un Piémontais, à qui j'ai fait mordre la poussière, Que cet or vous serve à boire à la prospérité de la Républi- que et à l'humiliation de l'étranger !

Mes gardes du corps ne se firent pas prier paur accepter mon petit présent ; ils Lombèrent même d'accord pour dé- clarer que TE se efèt, d'être un excellent patriote . a ne doutaient nullement de mon prompt élargisse-

— Voulez-vous me permettre alors, Puisque vous avez une si bonne opinion de moi, de dire quelques mots en particu=

er au citoyen, leur demandai-je en désignant mon hôte. Il s'agit d'une commission insigaifiante que je veux le prier de faire pour moi.

Ma requête ayant été favorablement accueillie par mes gardes, je tirai M. Charles V*** à l'écart, dans un des angles de la chambre, et baissant la voix de façon à n'être pas en- tendu par mes surveillants :

— Mon cher hôte, lui dis-je, vous trouverez sous le ma- telas de mon lit un album couvert d'écritures. Ce sont mes uotes de voyage, Je vous serais infiniment obligé de vouloir bien mettre à l'abri cus papiers, dont cerlains passages pour- raient me compromettre, ainsi que plusieurs personnes. A présent, je vous souhaite bien du bonheur et vous dis adieu.

— Noû pas adieu, mais au revoir! me répondit M, Vt*+ en serrant ma main avec émolion, C’est pour avoir défendu ma pauvre Clotilde que vous vous êtes compromis; je serais douc indigne du titre d'honnète homme si je ne faisais tous mes efloris pour vous sauver. Complez sur moi; je ne recu- lerai devant aucune fatigue ni devant aucun danger,

Ayant ajusté mon sac sur mon dos, je redescendis, suivi de mes gardes, au rez-de-chaussée,

— Allons, en route, dit le chef de la troupe révolution- naire,

Une minute plus tard, je traversais, prisonnier, les rues de Saint-Flour.

A peine quelques personnes se relournèrent-elles pour me voir passer.


IV


Après une. marche rapide, nous mes près du dis- diet : je comparus aussitôt devant le vice-président.

ST d'où vente 7 8e quel crime es-tu accusé? me demanda

— Je suis officier. Je reviens de combattre à la frontière contre les ennemis de la république, et l’on m'accuse d'avoir empêché un gredin d'outrager une honnète jeune fille, lui répondis-je. Au reste, voici ma feuille de route que ton se- crélaire a visée lui-même hier.

Le vice-président saisit brusquement le papier que je lui présentais, y jeta un rapide coup d'œil, et reprenant son iu- lerrogaloire

— Quelle jeune fille as-tu osé défendre contre la loi? me demanda-

Je racontai alors en peu de mots au vice-président les événements qui s'étaient passés chez mon hôte : la frayeur et l'indignation éprouvée par la jeune Clotilde l'amusèrent beaucoup, et il ne put s'empêcher d’en rire aux éclats,

— Quel séducteur que ce commissaire! s'écria-t-il enfin, Allons! ne me cache rien : tu as été jaloux de lui, n'est-ce pas? #

J'allais me récrier avec énergie contre cette supposition; mais, réfléchissant qu'il lait plus prudent et plus adroit de respecter la gaîlé du vice-président que d'éveiller sa mau- maise humeur, j'affèctai de me troubler à celle accusation absurde, et je m'en défendis mollement.

— Tu rougis! tu rougis ! me dit-il, en partant d'un nou- vel éclat de rire; lu vois que je connais le cœur humain! On ne peut rien me cacher! Après tout, je dois reconnaitr que le commissaire, si tu as été, toi, un peu brutal, à mau-