Page:Duplessis - Les Étapes d'un volontaire, 5, 1866.djvu/40

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LUCILE,


«J'ai rencontré, écrit Rossignol, à la date du 23 bru- «maire au LL (15 noyemiyre 4794), quelques bandes de nos «amis qui fout bien leur besogne; ils tuent lout ce vieux « levain de patrioies tièdes, que la guiliotine n’a pas retran- « chés du sui de la République ; mais il faut y regarder à « deux fois, Ces enragés-là ont été démasqués par les vrais < brigands, el ils disent qu'il n’y a plus de sécurité pour eux. « Les chouans les attaquent ; ils les reconnaissent au parler < et aux cheveux qui n'ont pas encore pu pousser assez lon< <guement, Je pense qu'on pourrait les utiliser ailleurs ; ils < ont fait leur coup ici, ils ont fait abhorrer les brigands, »

« Nous n'en demandons pas davantige : il y à fureur pa

  1. tout contre eux! Les patrio’es s’enthousiasment an récit

s des horreurs qu'ils commettent, et quand la nouvelle de a quelque rime bien horrible nous arrive, je lâche les « gardes nationales qui ne font pas de quartier, »


Le second document, qui prouve d'une façon irréfragable l'existence des faux'chouans, est une lettre écrite par le gé-


véral Krieg au représentant Bollec : le général Krieg, on le sait, vieux soldat républicain, plein de franchise et d'hon- neur, était le conseiller et l'ami du général Hoche. Voici à

présent le passage textuel de celte lettre qui se rapporte aux [aux chouans


« Ne l'étonne pas de tous les crimes dont nous sommes inondés. Les patrioles du pays crient beaucoup pour peu de chose; ils ont tellement peur, qu'il faudrait une garnison pour garder chaque maison, Le fait est que, sauf le cas de guerre, après le paix que l'on à faite contre mon gré et dont les rebelles du Morbihan re se soucient guère plus que moi, il n’y pas de leur part tous les crimes qu'on leur attribue, Ge sont. de bons soldats et de braves gens, un peu pris de fanalisiné peut-être: mais cun & le sien dans ce bas monde, Ils ont celui dé la religion, nous celui de la liberté. Ge qui fait le mal dans ces contrées, ce sont les galériens qui y fourmillent et dont on a fail de véritables chouans de contrebande. Hoche, pour son honneur, nous en débarras- sera, j'espère; mais iles lemps d'arrêter les brigandages dont les rebelles ne sont pas plus dupes que les administra- teurs. On les appelle les faux chouars. Au langage et à la tenne ils sont si reconnaissables Gu'i n'ya pas moyen de s'y tromper. Dis donc à Hoche et à Chérin de faire sabrer toute celle cangille, »


Je crois que ces deux citations, — et je panrrais les mul- tiplier à l'infini, — suffront pour établir ce point historique, trop peu connu jusqu'a nos jours, de l'existence des faux chouaos : je reviens mainfenant à mon récit,

Bois-Hardy, apres que les vingl el un galériens eurent reçu le châtiment de leurs crimes, $e remiten route avec ses gars, qui, lout joyeux de la réussite de l'expédition el se Sacha hors dé la portée des troupes de Hoche, se récréè- rent pendant une partie de La huit à chanter leurs poésies naionales. Quant à mai, heureux du hasard qui m'avait fait rencontrer Je fawenx chef chouan, je ne manquià pas de me

es côtés et de lier conversation avec ln vous pargitre sans doute avoir hésité un moment avant e sujet de conversalion, je voudrais bien que vous m'appreniez quel est ce célèbre “ersonnage, dont pour ma part je n'ai juris entendu parler, connu sous le nom de M, Jacques ? ji pondit Bois-Hardy en souriant, ma se à mon {our Va vous sembler probiblement bien sin- je vons à ement que j'ignore ement.ce qu'est M. Jacques, aiment! alors, — nardonnez-moi d'insisler, mais ma curiosité trouve vivement exe , — alors, ponrgyoi avez-vous, la ait dernière, lorsque madame Lucile a pro- noncé Ce Ji sevant Vous, éprouvé une si vive émotion el


parlé de ce M. Jacques en propos si flatteurs, j'ajoute même avec enthousiasme ?

— C'est que M. Jacques est l'homme le plus extraordi- naire que possède la cause royaliste.

— Vous voyez bien que vous le connaissez,

— Nullement, je répète ce que tout le monde dit. M. Jac- ques, à ce que prétendent les Manceaux, n'appartient pas à Ja terre. {l n’a d'humain que l'apparence, [l est invulnérable el immortel.

— Vous voulez railler, c'est incontestable,

— Mais pas du tout, je vous répète les prapos que j'ai entendu cent fois répéter devant moi. À présent, si vous me demandez quelle est mon opinion personnelle ur M, Jac- ques, je vous avouerai que je le considère, d'après les dé- tails que j'ai appris sur les diff-rentes rencontres qu'il a cues avec les troupes de la République, non pas seulement comme un bon général, mais comme un de ces rares génies qui apparaissent à peine de siècle en siècle el qui élonnent l'hu- mMauilé par leur puissance. N'oubliez pas la prophétie que je vous fais en ce moment, que M, Jacques, si une balle répi blicaine ne l'arrête pas, d'ici deux années, au milieu de carrière, laissera un noïn dans l'histoire ! Notre illustre gé- néral en chef, M, de ln Puisaye, que j'ai eu l'honneur de voir dernièrement, m'a fait uo pompeux éloge de M, Jacques, et m'a assuré que la droiture et la sagacilé de son esprit ré- pondaient à ses talents militaires, 11 comple plus sur lui que sur une armée entière. M. de la Puisaye m'a montré ézalement plusieurs letires qu'il venait de recevoir de M. Jacques, et ces lettres renfermaient, je-dois l'avouer, des vues extramea ment neuves el d’une grande portée. C'est à celle communi- cation de M. de la Puisaye que j'ai dû dé reconnaître de suite l'auteur de l'autographe que m'a présenté votre com pague de route et d'aventures,

— El vous n'avez pas songé à demander à M. de la Pui- saye des renseignements cirçonslanciés sur la vie intime de M. Jacques?

— Gerles, oui, j'y ai songé, et voici ce que M, de Ja Puisaye m'a répondu, Je vous répète à peu de chose près ses parol

M, Jacques, après avoir combattu dans l'armée vendéenne, s'étant rendu daus le Mans, où personne ne le connaissait, a signalé sa présence dans ce pays par de si heureuses üppa- rilions, au moment du danger, que les paysans, dont l'ima- gination simple et naïve se prête admirablement an mysté- vieux, en ont fait de suite un être fantastique et surnaturel. Comprenant l'avantage immense que lui donnait celle, répu tation qu'il n'avait pas recherchée, M, Jacques à tout mis alors en œuvre peur la conserver, el il s'est enveloppé d'un profond mystère! D'une tu ien, à ce qu'il parait, ne peut donner tns dés, témérité que justifie le rare bou= heyr qui l'accompagne loujours au leu, M, Jacques n'a pas tardé à pas ü 4


D ser pour invulnérable! En outre, M. Jacques est poèle; il comjose dans ic patois manceau des chants de guerre qu'apprennenL. ses Soldats el qui les conduisent à la victoire ! M, de là Puisaye, qui seul connait le nom vérilae ble, les antécédents el lès vastes projels de M. Jacques, ne consenlirait à confier ces détails à aucun de nous, dans la crainte qu'une indiscrélion involontaire de notre part ne retirät à M, Jacques le prestige qui l'enveloppe. A présent, ajouta Bois-Hardy en mg souriant, Vous en savez sur ce sujet tout autant que moi, n Vers le milieu de la “uit notre troupe entra dans ur vile lage éloigné de toute voie de communicalion. Je vis, à l'ac- cueil cordial et empressé qué nous firent les babilapts, que l'infernale invention des faux chouans n'avait pas encore porté tous les fruits et produit tout l'effet qu'en altendait la Convention nationale, Le detut-heure de repos el qi i & grossiers sufirept à se remeltre des fatigues de Ja jo


IX


Il était environ trois heures du mai lorsque nous arri