Page:Dupuy - La vie d'Évariste Galois.djvu/30

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même. Il avait, en effet, fort à faire avec les folliculaires, représentés par un petit journal universitaire très hardi et très méchant, la Gazette des Écoles, dont le rédacteur en chef était M. Guillard, agrégé pour les Mathématiques au collège de Louis-le-Grand. M. Guillard avait, avant Juillet, fait courageusement campagne contre l’ancien Conseil royal de l’Instruction publique, qui n’avait pu le faire taire en le frappant de suspension ; depuis la Révolution, il avait retourné son opposition contre le nouveau Conseil et la faction doctrinaire : il n’y avait personne qu’il prît plus souvent et plus fortement à partie que le directeur de l’École Normale, et ses polémiques donnèrent précisément naissance aux incidents qui, au mois de décembre 1830, mirent aux prises Galois et M. Guigniault.

Ces incidents avaient d’ailleurs été préparés par d’autres dans la vie intérieure de l’École : depuis la rentrée, les préventions que le directeur et l’élève nourrissaient l’un contre l’autre n’avaient cessé de croître. Plus que jamais la gloire et la popularité acquises par les polytechniciens enfonçaient dans l’esprit de Galois la conviction qu’il avait manqué sa destinée. Il fut de ceux qui eurent l’enfantillage de demander un uniforme pour les élèves de l’École Normale : évidemment à l’imitation de l’École Polytechnique ; M. Guigniault refusa. Une autre fois plusieurs de ses camarades et lui sollicitèrent des armes pour s’exercer aux manœuvres militaires : toujours comme à l’École Polytechnique ; M. Guigniault refusa encore. Il trouva même la demande ridicule, et le dit ; il parla à cette occasion de l’esprit pitoyable qui animait les collèges et menaçait de ruine l’Université, et même l’École Polytechnique[1]. C’était là aux yeux de Galois un blasphème impardonnable. Cependant un nouveau règlement d’études concerté entre MM. Cousin et Guigniault venait d’être promulgué par le Conseil royal. Il avait pour Galois le premier tort de fixer à trois ans la durée des études de l’École Normale, et de reculer ainsi l’époque de l’affranchissement ; outre cela, les prescriptions qui concernaient la section des Sciences, assez mal combinées d’ailleurs, puisqu’il fallut les réformer après un an, le menaçaient dans la liberté qu’il avait pu garder pour son travail personnel, tant que l’École Normale n’avait été que

  1. Voir la lettre de Galois à la Gazette des Écoles, p. 258.