Page:Dupuy - La vie d'Évariste Galois.djvu/58

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c’eût été certainement aux journées de juin 1832, et il aurait pu croire alors qu’il mourait pour son pays. Mais la mort avait marqué sa jeunesse, et il le savait bien lui-même, lui qui écrivait au milieu de ses calculs :


L’éternel cyprès m’environne :
Plus pâle que la pâle automne,
Je m’incline vers le tombeau[1].


Du moins le tombeau ne l’a-t-il pas pris tout entier ; les quelques pages qu’il a laissées ont suffi pour que la patrie sache son nom : sa vraie patrie, la plus belle et la plus large de toutes, celle où fraternisent nécessairement, dans les conceptions rigoureuses et profondes des Mathématiques, tant de nobles intelligences dispersées sur tous les points du monde. Si, comme il le disait, l’immortalité n’est que la trace laissée dans la mémoire des hommes[2], il est assuré de l’immortalité tant qu’il y aura des hommes : ignoré de la foule, son nom est défendu contre l’oubli par l’admiration d’une élite ; c’est pour elle que j’ai écrit cette étude, en souhaitant d’ajouter à l’admiration du génie quelque sympathie pour l’âme ardente, pour le cœur tourmenté et misérable, et de dresser enfin, à côté de ce nom qui ne représentait que des idées, la figure vivante d’un homme.

  1. Revue encyclopédique.
  2. Communiqué par M. G. Demante.