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les parques

Lorsque les suppliants, le cœur gonflé de vœux,
Empourprent à l’autel les fanons de leurs bœufs,
Ils ne nous savent pas jaloux de l’hécatombe.
Vous, mortels, vous fuyez la douleur ou l’ennui
En vous acheminant vers le trou de la tombe.
Votre être chaque jour laisse un lambeau de lui,
Ainsi que la cigale une larve qui tombe.
L’anéantissement n’est interdit qu’à nous.
La sourde Némésis nous voit à ses genoux
Altérés de trépas, mais, tout dieux que nous sommes
Nous déchirons nos doigts dans un débile effort
Aux clous de diamant des portes de la mort,
Qui tournent sur leurs gonds au caprice des hommes.



Qu’est-ce que le souci fugitif d’exister
Lorsque le dénouement qu’on ne peut éviter
Oppose à quelques maux douteux sa certitude ?
Être sûr de briser ses chaînes une fois,
Voir au bout des tourments l’immense quiétude,
Abdiquer le regard et l’ouïe et la voix,
Dépouiller le vouloir, l’instinct et l’habitude,
S’enfuir de la pensée et de la passion,
Descendre les degrés de la création,