Page:Durand de Mende - Rational, vol 2, traduction Barthelemy, 1854.djvu/130

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lelu-ia, qui signifie le tressaillement de joie que nous donne l’espérance des biens éternels, on dit le trait, dont l’institution remonte au pape Télesphore. Le trait s’appelle ainsi de trahere', tirer, traîner, parce qu’on le chante en traînant (tractim), d’une voix dure, et en pesant sur les mots. Cela figure la misère et le labeur du présent exil, dont le Psalmiste dit : « Que je suis malheureux de ce que le temps de mon exil est si long ! » En effet, le trait représente la longue attente des saints patriarches, et la tristesse et l’affliction des Juifs captifs, qui, pendant la captivité de Babylone, assis sur le bord de l’Euphrate, pleuraient et suspendaient leurs instruments de musique aux branches des saules. Cette captivité est représentée par l’Église, lorsque, à partir de la Septuagésime, elle suspend le cours des cantiques d’allégresse et dit le trait.

II. Or, il y a autant de différence entre l’Allelu-ia et le trait qu’entre l’allégresse et la tribulation. Il y a encore autant de différence entre le répons, auquel tout le monde répond, et le trait, auquel personne ne répond, qu’entre la vie active et la vie contemplative. Le trait tient le milieu entre le répons et l’Allelu-ia, comme on le dira dans la sixième partie, au chapitre de la Semaine après Pâques. Enfin, le trait, qui exprime les gémissements et les chants mêlés de pleurs, représente les larmes qu’ont répandues les saints, soit dans la vie active, soit dans la vie contemplative.

III. D’où vient qu’on l’appelle trait (tractus), parce que les saints qui soupirent tirent (tractant) leur gémissement du fond de leurs poitrines ; car, bien qu’ils se réjouissent, comme l’Allelu-ia les en avertit, cependant, demeurant dans cette vallée de larmes, ils sont arrosés en haut et en bas, ce que le trait indique d’une manière mystique. Il gémit, en effet, comme s’il pleurait à cause de l’amour de la béatitude d’en haut : comme les Juifs, assis sur les bords de l’Euphrate, à Babylone, au souvenir de leur patrie, et qui répandaient des larmes cependant aussi à cause de leur misère et de celle des autres, parce que