Page:Durand de Mende - Rational, vol 2, traduction Barthelemy, 1854.djvu/277

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quoi voulez-vous me tromper ? ce que vous portez là n’est point mon Dieu. » Ceux-ci, frappés d’étonnement, lui apportèrent aussitôt le corps du Seigneur ; et lui, voyant qu’il ne pouvait le recevoir, éleva les mains vers le ciel et pria ainsi : « Que le Fils remonte vers son Père, et que l’esprit retourne vers celui qui l’a créé ; » et en disant ces mots il rendit l’esprit, et le corps du Seigneur disparut de ce lieu[1].

XXX. Cinq motifs ont engagé le Christ à donner sur l’autel le sacrement de son corps et de son sang sous les espèces. Le premier motif est d’augmenter notre foi ; car dans ce sacrement on voit une chose que l’on croit être autre chose que ce que l’on voit. C’est pour que la foi soit méritante, alors que la raison humaine ne peut l’éclairer (De pœn., d. iv, In domo). Le second motif est de flatter les sens ; car l’esprit pourrait

  1. Ce trait ne doit pas être attribué à Hugues de Saint-Victor, comme le fait Durand ; c’est Maurice de Sully, illustre évêque de Paris au XIIe siècle, qui en est le héros, comme l’attestent ces vers latins tirés d’un manuscrit de l’abbaye de Saint-Victor, à Paris :

    Migrat Parisii Pater ad patriam paradisi
    Mauricius, mundo Martha, Maria Deo.
    Sic obit a quinta Id. junii luce viator.
    Esurit in vera carne videre Deum.
    Offertur panis, quem clausis sensibus extra,
    Spiritus inspirât corporis esse cibum.
    Verbo, mente, manu, panem calicemque repellit :
    Et sic cœlesti corripit ore cibum.
    « Illusere mihi velut hostes : postulo passum,
    « Passum sub vera postulo carne Deum. »
    Rem stupet auditor, offert venerabilis abbas
    Quod petit : occurrit mente manuque Pater.
    Sentit adesse Deum, fervescit in oscula : sanctum
    Vas tenet, et verum corpus adorat ita.
    « Ecce salus mundi, Verbum Patris, hostia vera,
    « Viva caro, deitas integra, verus homo. »
    Sic spes hic meruit rem præsentire, fidesque
    Scire, videre Deum glorificandus homo.
    Sic amor exarsit, sic spes præsentit : ut una
    Crederet, et sciret crédita vera fides.

    Cæsarius (Histor. memor.), lib. 9, cap. 43 ; Jacques de Vitri (Hist. occident.), cap. 38 ; Du Breuil (Antiq. de Paris), p. 425 et 426, s’accordent à attribuer le trait précité à Maurice de Sully.