Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/177

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« Mon cher ami, si vous saviez comme votre nièce me trotte par la tête ! je ne puis plus y tenir, il faut qu’on me la donne ; je vous charge de faire ma demande. »

Corbie ne manquait pas de gaieté, et il eût plaisanté Mathéus, s’il n’avait été mêlé lui-même à ces événements où il apportait dès lors le sérieux et la gravité convenables. Cette mission ne parut pas lui sourire ; il ne voulait pas que sa main se montrât, craignant des ennuis si on venait à savoir ce qui s’était passé entre Henriette et lui, et si par suite on découvrait qu’il se vengeait. D’ailleurs l’oncle avait pris une sorte d’aspect solennel à ses propres yeux, depuis qu’il s’était donné la charge importante de la vengeance.

Corbie répondit donc :

« Je la demanderais bien pour vous, mais je crois qu’il vaut mieux que vous fassiez la démarche vous-même.

— Ce n’est guère l’usage : on sera peut-être surpris.

— Et moi ! je ne suis pas très éloquent.

— Ce qu’il y a à dire va de source.

— Eh bien ! vous le direz toujours mieux que moi.

— Mais cela ne s’est jamais fait.

— Bah ! Eh bien ! je vous avoue que je ne voudrais pas avoir l’air d’en faire une affaire personnelle : on croirait que j’y tiens particulièrement.

— Où serait le mal ? c’est tout simple.

— Ma belle-sœur ne sera pas fâchée du tout de vous voir l’aborder directement.

— J’irai alors dès que ma maudite douleur sera passée. Mais, mon cher, il faut cependant vous charger des questions d’argent, je ne puis les traiter moi-même. Ce serait déflorer mes aspirations. Je vais vous montrer les titres. Je donne tout à votre nièce, une corbeille de mariage aussi belle qu’on pourra la faire ; les diamants de ma tante, qui valent cent mille francs. Si on veut, on ne donnera pas de dot à mademoiselle… à Henriette. Qu’est-ce que cela me fait ? J’ai de l’argent, je n’en veux pas ; je ne veux que la jolie jeune fille. Ah ! Corbie, qu’elle est belle ! Je n’ai qu’une crainte, c’est qu’on me la refuse. Il faut se dépêcher. Si vous êtes mon ami, que personne ne vienne me l’enlever. Je l’ai vue, cela m’a