Page:Duranty - Les Combats de Françoise du Quesnoy.djvu/121

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fit pâlir la jeune femme, et elle lut avec surprise, avec trouble ; puis le cœur lui battit, elle devint presque haletante, et après la lecture resta comme anéantie. Un grand cri de joie ne pouvait sortir de sa poitrine. Une vive pensée de remercîment envers la destinée, une sorte d’étonnement inquiet de la marche de cette même destinée dont on ne savait arrêter les décrets, les caresses qui glissaient sur son cœur tressaillant, une espèce d’émerveillement d’elle-même, un élan d’orgueil, toutes ces sensations l’éblouissaient et la clouaient immobile, sa lettre à la main.

Elle but de nouveau goutte à goutte tout ce nectar, avec une joie presque enfantine de posséder une lettre d’amour. À un moment elle donna un vif baiser sur la lettre, et en eut honte aussitôt au point de se retourner comme si quelque témoin pût le lui reprocher. Ce qui l’intéressait le plus, c’était cet homme qui pensait à elle quatre ans auparavant, dont elle ignorait l’existence, et qui avait songé à l’épouser ! Pour un peu elle aurait vu du miracle dans son fait. Ensuite elle le revoyait dans la visite et se plaisait à se figurer, au cours de la lecture, le double être dont parlait Philippe, celui qui voulait dire certainement : je vous aime, et celui qui avait seulement dit qu’il aimerait volontiers une femme distinguée. À la fin elle courut à sa plume pour répondre.

Répondre ! Les perplexités l’assaillirent aussitôt. Puis l’instinct, celui de la conservation, de la prudence, de la défense, lui cria de ne pas répondre, et qu’Allart n’en reviendrait pas moins. C’est une terrible affaire