Page:Duret - Critique d’avant-garde, 1885.djvu/111

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gamme de tons aigus que l’œil européen n’y avait jamais vue et, abandonné à lui-même, n’y eût probablement jamais découverte. En observant la nature, le paysagiste européen avait comme oublié la coloration propre des objets, il n’avait guère vu que de la lumière et de l’ombre, le plus souvent de l’ombre ; de là vient que, sous le pinceau d’un si grand nombre de peintres, la pleine campagne s’est recouverte d’une opaque noirceur et d’éternelles ténèbres. Les Japonais, eux, n’ont point vu la nature en deuil et dans l’ombre, elle leur est, au contraire, apparue colorée et pleine de clarté, leur œil a surtout discerné la coloration des choses, et ils ont su harmoniser côte à côte, sur la soie ou le papier, sans atténuation, les tons les plus tranchés et les plus variés que les objets aperçus dans la scène naturelle leur donnaient.