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Chapitre IV

LE CULTE POSITIF
(Suite)

III. — Les rites représentatifs ou commémoratifs

L’explication que nous avons donnée des rites positifs dont il vient d’être question dans les deux chapitres précédents leur attribue une signification, avant tout, morale et sociale. L’efficacité physique que leur prête le fidèle serait le produit d’une interprétation qui dissimulerait leur raison d’être essentielle : c’est parce qu’ils servent à refaire moralement les individus et les groupes qu’ils passent pour avoir une action sur les choses. Mais si cette hypothèse nous a permis de rendre compte des faits, on ne peut dire qu’elle ait été directement démontrée ; elle semble même, au premier abord, se concilier assez mal avec la nature des mécanismes rituels que nous avons analysés. Qu’ils consistent en oblations ou en pratiques imitatives, les gestes dont ils sont faits visent des fins purement matérielles ; ils ont ou semblent avoir uniquement pour objet de provoquer l’espèce totémique à renaître. Dans ces conditions, n’est-il pas surprenant que leur véritable rôle soit de servir à des fins morales ?

Il est vrai que leur fonction physique pourrait bien avoir été exagérée par Spencer et Gillen, même dans les cas ou elle est le plus incontestable. Suivant ces auteurs, chaque clan célébrerait son Intichiuma en vue d’assurer aux autres clans un aliment utile, et tout le culte consisterait en une sorte de coopération économique des différents groupes totémiques ; chacun travaillerait pour tous les autres. Mais,