Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/118

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erreurs puisqu’ils en résultent. Si la peine, si la responsabilité, telles qu’elles existent dans l’histoire, ne sont qu’un produit de l’ignorance et de la barbarie, à quoi bon s’attacher à les connaître pour en déterminer les formes normales ? C’est ainsi que l’esprit est amené à se détourner d’une réalité désormais sans intérêt pour se replier sur soi-même et chercher au dedans de soi les matériaux nécessaires pour la reconstruire. Pour que la sociologie traite les faits comme des choses, il faut que le sociologue sente la nécessité de se mettre à leur école. Or, comme l’objet principal de toute science de la vie, soit individuelle soit sociale, est, en somme, de définir l’état normal, de l’expliquer et de le distinguer de son contraire, si la normalité n’est pas donnée dans les choses mêmes, si elle est, au contraire, un caractère que nous leur imprimons du dehors ou que nous leur refusons pour des raisons quelconques, c’en est fait de cette salutaire dépendance. L’esprit se trouve à l’aise en face du réel qui n’a pas grand’chose à lui apprendre ; il n’est plus contenu par la matière à laquelle il s’applique, puisque c’est lui, en quelque sorte, qui la détermine. Les différentes règles que nous avons établies jusqu’à présent sont donc étroitement solidaires. Pour que la sociologie soit vraiment une science de choses, il faut que la généralité des phénomènes soit prise comme critère de leur normalité.

Notre méthode a, d’ailleurs, l’avantage de régler l’action en même temps que la pensée. Si le désirable n’est pas objet d’observation, mais peut et doit être déterminé par une sorte de calcul mental, aucune borne, pour ainsi dire, ne peut être assignée aux