Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/134

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à ce point de vue, une grande différence entre les deux règnes. Chez les animaux, en effet, un facteur spécial vient donner aux caractères spécifiques une force de résistance que n’ont pas les autres ; c’est la génération. Les premiers, parce qu’ils sont communs à toute la lignée des ascendants, sont bien plus fortement enracinés dans l’organisme. Ils ne se laissent donc pas facilement entamer par l’action des milieux individuels, mais se maintiennent, identiques a eux-mêmes, malgré la diversité des circonstances extérieures. Il y a une force interne qui les fixe en dépit des sollicitations à varier qui peuvent venir du dehors ; c’est la force des habitudes héréditaires. C’est pourquoi ils sont nettement définis et peuvent être déterminés avec précision. Dans le règne social, cette cause interne leur fait défaut. Ils ne peuvent être renforcés par la génération parce qu’ils ne durent qu’une génération. Il est de règle, en effet, que les sociétés engendrées soient d’une autre espèce que les sociétés génératrices, parce que ces dernières, en se combinant, donnent naissance à des arrangements tout à fait nouveaux. Seule, la colonisation pourrait être comparée à une génération par germination ; encore, pour que l’assimilation soit exacte, faut-il que le groupe des colons n’aille pas se mêler à quelque société d’une autre espèce ou d’une autre variété. Les attributs distinctifs de l’espèce ne reçoivent donc pas de l’hérédité un surcroît de force qui lui permette de résister aux variations individuelles.·Mais ils se modifient et se nuancent à l’infini sous l’action des circonstances ; aussi, quand on veut les atteindre, une fois qu’on a écarté toutes les variantes qui les voilent, n’obtient-on souvent qu’un