Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/150

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

donc être qu’une sorte de retour de l’activité privée sur elle même. Surtout, on ne voit pas en quoi elle peut consister dans les sociétés industrielles, qui ont précisément pour objet de rendre l’individu à lui-même et à ses impulsions naturelles, en le débarrassant de toute contrainte sociale.

Ce principe n’est pas seulement à la base de ces grandes doctrines de sociologie générale ; il inspire également un très grand nombre de théories particulières. C’est ainsi qu’on explique couramment l’organisation domestique par les sentiments que les parents ont pour leurs enfants et les seconds pour les premiers ; l’institution du mariage, par les avantages qu’il présente pour les époux et leur descendance ; la peine, par la colère que détermine chez l’individu toute lésion grave de ses intérêts. Toute la vie économique, telle que la conçoivent et l’expliquent les économistes, surtout de l’école orthodoxe, est, en définitive, suspendue à ce facteur purement individuel, le désir de la richesse. S’agit-il de la morale ? On fait des devoirs de l’individu envers lui-même la base de l’éthique. De la religion ? On y voit un produit des impressions que les grandes forces de la nature ou certaines personnalités éminentes éveillent chez l’homme, etc., etc.

Mais une telle méthode n’est applicable aux phénomènes sociologiques qu’à condition de les dénaturer. Il suffit, pour en avoir la preuve, de se reporter à la définition que nous en avons donnée. Puisque leur caractéristique essentielle consiste dans le pou-

    droits du corps politique ne sont rien en eux-mêmes, ils ne deviennent quelque chose qu’à condition d’incarner les droits des individus qui le composent. » (Op. cit., II, 20.)