Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/156

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l’on peut apporter à de tels problèmes, ne sauraient en aucun cas affecter la méthode d’après laquelle doivent être traités les faits donnés dans l’histoire. Nous n’avons donc pas à les discuter.

Mais on se méprendrait étrangement sur notre pensée, si, de ce qui précède, on tirait cette conclusion que la sociologie, suivant nous, doit ou même peut faire abstraction de l’homme et de ses facultés. Il est clair, au contraire, que les caractères généraux de la nature humaine entrent dans le travail d’élaboration d’où résulte la vie sociale. Seulement ce n’est pas eux qui la suscitent ni qui lui donnent sa forme spéciale ; ils ne font que la rendre possible. Les représentations, les émotions, les tendances collectives n’ont pas pour causes génératrices certains états de la conscience des particuliers, mais les conditions où se trouve le corps social dans son ensemble. Sans doute, elles ne peuvent se réaliser que si les natures individuelles n’y sont pas réfractaires ; mais celles-ci ne sont que la matière indéterminée que le facteur social détermine et transforme. Leur contribution consiste exclusivement en états très généraux, en prédispositions vagues et, par suite, plastiques qui, par elles-mêmes, ne sauraient prendre les formes définies et complexes qui caractérisent les phénomènes sociaux, si d’autres agents n’intervenaient.

Quel abîme, par exemple, entre les sentiments que l’homme éprouve en face de forces supérieures à la sienne et l’institution religieuse avec ses croyances, ses pratiques si multipliées et si compliquées, son organisation matérielle et morale ; entre les conditions psychiques de la sympathie que deux